Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/320

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"Tiens, Lorenzo, prends ces cinquante ducats. C’est la somme que Concino t’a donnée pour l’aider à tuer la duchesse d’Angoulême. Car la folie, n’est-ce pas la mort ?

—C’est vrai, madame, dit le nain en frissonnant.

— Il est donc juste, reprit-elle, que je te donne la même somme en récompense de l’horoscope qui sauve Giselle d’Angoulême de tous les genres de mort connus et me sauve moi-même en m’apprenant que, seule, une tête couronnée peut concevoir l’ordre de mort."

Sur ces mots, elle sortit rapidement, laissant l’astrologue tout pensif. Dehors, elle poussa un long soupir de joie furieuse et gronda :

"Maintenant, je les tiens tous deux, puisque je sais comme je puis les faire mourir sans danger pour Concino et que je connais la tête couronnée qui donnera l’ordre."


Minuit sonnait, et pourtant une foule de peuple encombrait encore la rue de Tournon, et surtout les abords de l’hôtel Concini splendidement éclairé. Ce peuple se taisait. Il regardait. De chaque côté de la grande porte, une fontaine avait été installée. Chacune de ces fontaines, de minute en minute, rejetait du feu, et ces coulées de feu étaient tantôt rouges, tantôt bleues, ou vertes. Dès que la fontaine cessait de rejeter du feu, elle laissait couler du vin, et c’était d’excellent vin d’Espagne. Chacun avait le droit de s’approcher et de remplir son gobelet. Cette magnificence, ce souci d’associer la foule à la fête qu’il donnait, valaient au maréchal d’Ancre une sorte de trêve dans la haine populaire. Mais à certains regards, à certaines rumeurs sourdes, à certains frissons qui parcouraient cette foule on sentait que la haine couvait.

Cette fête, pour dire la vérité, fut une réelle féerie.

M. Gendron l’intendant général de l’hôtel, en était vraiment le précieux metteur en scène.

Durant toute la fête, l’hôtel fut constamment éclairé à l’intérieur par huit cents flambeaux de cire parfumée et colorée de différentes couleurs, et à l’extérieur par plus de mille lanternes vénitiennes. À mesure qu’une invitée montait le grand escalier dont chaque marche supportait une statue portant des fleurs précieuses, dès que l’invitée mettait le pied sur le