Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/324

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— Cette fête insensée, Maria, c’est pour célébrer la nuit où il doit revoir Giselle !"

Encore un silence. La reine reprit :

"Et tu l’aimes, toi ?

— De toute ma chair exaspérée de son dédain, de toute ma pensée où il règne depuis Florence, de toute mon âme dont il est l’idole, de tout mon sang qui brûle quand il s’approche et se glace quand il s’en va."

La reine frissonna longuement.

"Alors, dit-elle, tu l’aimes sans espoir ?

— Oui, madame, sans espoir."

Encore un silence, très long cette fois. Au loin, les musiques jouaient un air très doux et très lent. Comme les fois précédentes, la reine recommença :

"Tu ne me hais pas ?

— Non, Maria. Au contraire, je vous suis dévouée. S’il fallait mourir pour vous, je mourrais. Je suis heureuse qu’il soit à vous, puisqu’il ne veut pas être à moi. En effet, vous assurez sa fortune, et c’est pourquoi j’aime votre amour pour lui.

— Oh ! je te comprends. Je comprends ta vie, à présent. Léonora, tu es une âme splendide. Quant à sa fortune, sois tranquille. Ce que j’ai jusqu’à ce jour n’est rien auprès de ce que je veux faire. J’ai mon projet Et ce sera un rude coup de tonnerre dans le royaume. Laisse-moi faire. Et alors, tu dis qu’il a une passion pour cette poupée ? Tu dis que sans cette Giselle, c’est moi, c’est moi seule qu’il aimerait ? Eh bien ! par le saint jour de Dieu, qu’elle meure donc ! Léonora, tu vas m’aider !

— Je suis ici pour cela, Maria !"


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Il y eut alors une détente. Du moment où elles ne parlèrent plus d’elles-mêmes, du moment où elles sortirent de la formidable impudeur de ce colloque, du moment où il ne fut plus question simplement que d’un assassinat, elles se regardèrent. Seulement si la reine avait à peu près son même visage (à part cette teinte livide qui est comme un reflet du crime), c’est à peine si elle reconnut la figure de Léonora, convulsée, décomposée par l’effort qu’elle avait dû faire. Et alors, tout naturellement, ce fut la Galigaï qui reprit :

"Giselle d’Angoulême est ici, madame. Mais vous savez que, d’après l’horoscope de Lorenzo, nous ne pouvons la faire mourir ni par le poison ni par le fer, ni par la faim ou la soif,