Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/335

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en effet. Il s’exerçait à soulever un fauteuil à bras tendus. Il faisait des lieues en marchant autour de sa chambre. Et la pensée de la liberté tournait à l’idée fixe. L’incertitude peu à peu l’exaspérait. Car ignorer combien de temps on doit être enfermé est une chose intolérable.

Et ceci se compliquait de ce fait que la dame au masque noir n’avait aucun intérêt à le garder prisonnier. Car, pourquoi l’avoir si admirablement soigné ? Pourquoi le si bien traiter ? Que se passait-il ? Qui était cette inconnue ? Où l’avait-on mis ? Pourquoi le gardait-elle là ? Le chevalier se sentait étouffer. Il commença par interroger le Nubien au moment où il apportait ses repas. Et comme le Nubien ne lui répondait pas, il le menaça de l’étrangler, de lui couper les oreilles, de l’écorcher vif. Le Nubien parti, Capestang prit une résolution formelle : il attendrait la prochaine visite de ce noir silencieux et, au lieu de le menacer, lui sauterait à la gorge, l’étranglerait quelque peu, puis il s’en irait tranquillement. Seulement, à partir ce moment, le Nubien ne reparut plus !

Au moment du repas, le chevalier stupéfait vit s’ouvrir un guichet travers duquel le noir plus silencieux que jamais lui passa victuailles et flacons. Capestang prit les plats, prit les flacons, puis essaya brusquement d’atteindre son geôlier à travers le guichet. Mais alors le guichet se referma. Il mangea, il but, il dévora avec rage. Puis il essaya d’enfoncer la porte : peine perdue.

Alors, de jour en jour, d’heure en heure, la fureur et la terreur allèrent croissant ; le chevalier brisa les fauteuils et le lit ; il sonda les murs ; essaya d’arracher les dalles ; il cria, vociféra, rugit tous les jurons et toutes les insultes que lui fournissait le vocabulaire des corps de garde ; il eut des heures de folie furieuse et des heures d’abattement ; et finalement, il vint à se dire, avec des frissons de terreur, qu’il était destiné à vivre toujours là ! Dans cette pièce sans jour, presque sans air ! Sans savoir où était ! Il allait mourir là !

Après un de ces dîners où il tâchait d’apaiser sa rage en la passant sur quelque pâté, il se mit à réfléchir profondément. Depuis combien de temps était-il là ? Il l’ignorait. Faisait-il jour ? Faisait-il nuit ? Était-ce le matin ? Ou le soir ? Il ne savait pas. Le même flambeau de cire éclairait sa prison. La même ténèbre opaque l’envahissait quand il éteignait le flambeau. Peu à peu, le chevalier sentait son accent de fureur lui revenir. Tout à coup, il voulut se lever pour arpenter sa chambre à grands pas et il s’aperçut alors que ses jambes le portaient à peine. Il eut la force de remplacer la cire près de s’éteindre par une autre toute neuve, car il en avait une provision, il retomba lourdement sur un fauteuil à demi démoli.

"Que diable m’arrive-t-il ? grogna le chevalier. Je n’ai plus de