Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/386

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Capestang se redressa, la regarda, hébété, croyant rêver, et balbutia :

"Marion ! Marion Delorme !"


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"Je vois ce qui vous étonne, dit Marion avec une nuance de tristesse : que le marquis de Cinq-Mars ait eu la pensée d’introduire au château familial une fille telle que moi et surtout en une si grave circonstance, alors qu’il venait recueillir le dernier soupir de son père, voilà qui est fait pour surprendre, en effet. Que voulez-vous ! J’ai fait ce que j’ai pu. J’ai résisté. Mais lui se figurait que s’il me laissait seule à Paris, tout Paris allait se disputer pour m’arracher à lui.

— Marion Delorme !" répéta Capestang hagard, entendant à peine ce qu’elle disait.

Elle éclata de rire – ce rire clair et moqueur qu’il connaissait bien.

"La marquise ! murmura le chevalier en jetant autour de lui un regard affolé. La marquise de Cinq-Mars ?

— Rassurez-vous, fit-elle ! Il n’y a pas ici de marquise de Cinq-Mars. Il n’y a que Marion Delorme.

— Mais elle !

— Qui, elle ? Or çà, cher ami, vous avez la tête perdue.

— Mais, fit Capestang avec timidité, on m’a dit : « La marquise de Cinq-Mars vous attend. »

— C’est cet imbécile de Lanterne. Il m’appelle ainsi, par pudeur, peut-être. Mais il n’y a pas de marquise, mon cher. Il ne tiendrait qu’à moi, d’ailleurs. Si je voulais, il y aurait bientôt une marquise de Cinq-Mars. Mais je ne veux pas. D’abord pour ce pauvre marquis, si galant homme que j’en arrive à lui vouloir du bien. Ensuite pour moi qui veux avant tout garder ma liberté."

Un coup de lumière éclaira brusquement le cerveau de l’aventurier ; il n’y avait pas de marquise de Cinq-Mars ! Lanterne ! Cogolin ! Marion ! Giselle ! Oh ! Giselle était à Paris ! Le mariage ne s’était pas consommé ! Celle que Cogolin, après Lanterne, appelait marquise de Cinq-Mars, c’était Marion ! Il chancela. Il eut un vertige. Et, comme son cœur débordait de joie, il saisit les mains de Marion et les couvrit de baisers.

"Morbleu ! Ah ! corbacque ! Je respire ! Ah ! j’étouffais !

— À la bonne heure ! dit la jolie fille. Je commençais à craindre que vous n’eussiez perdu la tête. Je vois maintenant pourquoi vous êtes venu à Effiat.

— Pourquoi je suis venu ? fit Capestang qui se redressa radieux, transfiguré, méconnaissable.