Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/393

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Je lie et double deux fois. Je viens en quarte, et me voici de nouveau en tierce. Je feins le coup droit. Je reviens en quarte, par un coupé fouetté, je passe dessous et me fends à fond sur le nombril de monsieur le baron qui tombe à la renverse de saisissement."

Capestang se redressa. Bien avant qu’il eût achevé sa démonstration en paroles, elle était achevée en fait. Montmorin s’était lourdement abattu sur le dos, touché au nombril.

"Bravo ! fit le gentilhomme inconnu qui venait d’arriver.

— Je suis déshonoré ! murmura Montmorin.

— Là ! Que vous avais-je dit ? Quant à être déshonoré, n’en croyez pas un mot. Vous êtes un brave.

— Je vais mourir, balbutia Montmorin dont les yeux se révulsaient déjà. Ce coup-là ne pardonne pas."

L’aventurier s’était mis à genoux et examinait attentivement la blessure, tandis que l’hôte de la misérable auberge et sa femme, accourus, levaient les bras au ciel.

"Eh bien, s’écria-t-il triomphant, voici qui est bien, mordieu ! Vous, monsieur, vous m’auriez tué avec ce coup-là, même si vous n’aviez pas voulu ma mort. Mais, moi, j’ai pu faire assez vite la retraite du bras. Vous ne mourrez pas. Vous en avez, par exemple, pour un bon mois d’immobilité. Allons, vous autres, au lieu de bayer aux corneilles, portez ce gentilhomme dans votre meilleur lit. Adieu, monsieur de Montmorin. Je vais tâcher de rejoindre M. de Guise.

— Ah ! balbutia Montmorin avec désespoir, vous allez le tuer avec le coup que j’ai inventé !

— Eh, non ! Je vais simplement l’embastiller, puisque vous m’en avez défié !"

Montmorin s’évanouit, et, cette fois, de saisissement peut-être plus que de souffrance. Capestang se dirigea vers l’écurie, sella Fend-l’Air et le sortit dans la cour. Au moment où il allait se mettre en selle, le gentilhomme qui venait d’assister au duel et avait mis pied à terre l’aborda, le chapeau à la main, le salua galamment, et lui dit :

"Monsieur, je suis le comte de Montmorency-Bouteville. Tel que vous me voyez, j’ai une passion pour le noble jeu des épées. Je suis friand de la lame en diable. J’ai souvent entendu parler du fameux coup du nombril, et, pour le savoir, je donnerais bien deux cents pistoles."

Capestang ébahi considéra un instant le gentilhomme. Sa figure lui plut.

— Monsieur, dit-il, votre air de politesse me touche, et je vais vous enseigner le coup.

— Et quand cela ? s’écria Montmorency tout radieux.

— À l’instant même, corbacque ! Mais promettez-moi de n’en pas faire un mauvais usage."

Tout aussitôt, chacun d’eux emboîta à la pointe de son épée un de ces boutons d’acier que tout ferrailleur p