Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/400

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en tenue de service, immobile et raide. Dans un angle, la jeune reine Anne, rieuse, sans souci de l’avenir, sans souci des rumeurs sinistres qui sur le vieux palais des rois agitent leurs ailes. Assise à une table, la reine mère, froide et hautaine, prête l’oreille aux bruits du dehors.

Mais peut-être est-ce une autre voix que la grande voix de Paris qui résonne en elle, car, parfois, ce regard si froid qu’elle laisse tomber sur son fils, elle le ramène sur Concini qui, debout près d’elle, lui parle à voix basse – et alors ce regard devient brûlant. La reine a reconquis Concini ! Marie de Médicis s’attache désespérément à sa dernière passion !

Concini sourit. Concini représente la parfaite image de l’homme heureux. Mais sous le fard qui pare son visage et ses lèvres, il est livide. Quoi ? Est-ce que Concini a peur de ces cris de mort qui grondent sous les fenêtres du Louvre ? Non ! Concini n’a plus peur. Concini désire la mort ! Il joue encore son rôle. Marie de Médicis a saisi le moment où nul ne les écoute et, ardente, murmure :

"Répète, Concino, répète que tu m’aimes, moi, moi seule, pour toujours !"

Concini ferme les yeux et, d’une voix plus ardente, répond :

"Je vous aime, vous, vous seule !"

Et, devant ses yeux fermés, c’est l’image de Giselle d’Angoulême qui s’évoque ! C’est à Giselle que va cette parole d’amour ! Le sein de Marie de Médicis palpite. Pour cacher son trouble, elle se lève et donne le signal de la retraite pour se préparer au dîner. À ce moment Léonora Galigaï s’approche de son mari, demeuré seul, et le touche au bras :

"Tu souffres ?

— Comme un damné !

— Patience, mon Concino, patience ! Ce qui est juré est juré : tu la reverras !

— Léonora ! Léonora ! Mon cœur est à bout...

— Patience, mon bien-aimé. Encore quelques jours. Tu la reverras, te dis-je. Laisse-moi faire. Ne mets pas le ciel contre nous ; Lorenzo m’a encore prévenue que ce Capestang peut être cause de ta mort. Depuis la nuit horrible, je travaille pour toi, tu le sais ! Et tiens, en attendant, prends cet espoir ; aujourd’hui, j’ai retrouvé Belphégor... et, par lui, je te trouverai ta Giselle !"

Concini, chancelant sous cet espoir qu’on lui jette, palpite et frissonne jusqu’à l’âme... Léonora Galigaï a jeté sur Louis XIII un étrange regard... puis, lentement, elle s’est éloignée pour rejoindre la reine.

"Va, démon, rugit Concini en lui-même, va ! travaille, comme tu dis, à mon élévation ! travaille à me rendre les astres favorables ! Oh ! tout ce que je te demande, démon, c’est de me rendre celle que tu m’as volée, et alors, oh ! alors, malheur sur toi, Léonora !"