Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/404

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trouvèrent tous portés autour du bravo. Douze mains crochues rampèrent sur la stable, vers les pistoles.

"Là ! Là, mes agneaux ! Le premier qui bronche, six pouces de fer dans le ventre ! Arrière, suppôts de Belzébuth ! Là ! Les voyez-vous, mon digne seigneur ? Des agneaux, de vrais agneaux, qui n’ont pas leurs pareils pour étrangler ou poignarder le ruffian trop chargé d’écus sans même qu’il s’en aperçoive. Vous serez bien servi, mon honnête seigneur. La belle vous sera encarrossée au coin du Petit-Musc avant qu’elle ait eu le temps d’achever son Pater."

Une minute plus tard, la bande avait disparu ; les sept s’étaient glissés au dehors. Laffemas régla la dépense ; puis il sortit à son tour.

Laffemas se rendit au coin de la rue du Petit-Musc, s’enfonça sous un auvent, s’incorpora à la muraille, se pétrifia et attendit. À dix pas de lui, près d’une petite porte basse, stationnait un carrosse, avec sa portière ouverte, le postillon, en selle sur le cheval conducteur, les rênes rassemblées, les éperons prêts. Laffemas songeait :

"Je rends ici à monseigneur un de ces services qui n’ont pas de prix. Je pense donc que je ne dois en demander aucun prix. Non, monseigneur, non, pas d’argent, je vous en prie. Ces choses-là ne se payent pas. Plus tard, quand vous serez le maître du royaume, le petit Laffemas réclamera son salaire."

Le petit homme se redressa dans son coin de nuit comme une bête malfaisante ; un sourire de terrible orgueil erra sur ses lèvres minces. Il y avait une demi-heure que Laffemas était là, et il commençait à être inquiet.

"Si ces brutes attendent encore, gronda-t-il, le petit marquis de Cinq-Mars va rentrer à l’hôtel, et alors, c’est la bataille, alors c’est peut-être la défaite ! Ah ! pourquoi n’ai-je pas le courage d’agir moi-même ? Je sens que si j’étais brave, je serais bientôt..."

Une ombre, tout à coup, se dressa devant lui, un être courbé dans une révérence narquoise, la plume de son chapeau balayait la boue.

"C’est fait, monseigneur, dit tranquillement cet être."

Laffemas reconnut le chef des sacripants. Il tressaillit.

"Çà, grinça-t-il, te moques-tu de moi ? Je n’ai entendu aucun bruit.

— C’est fait. Payez ! dit simplement le bravo.

— Je n’ai rien vu. Drôle, aurais-tu l’intention..."

Le bravo saisit Laffemas par le cou et le poussa jusqu’au carrosse. Laffemas, à demi étranglé, jeta un coup d’œil dans l’intérieur et vit une femme, pieds et poings liés, bâillonnée. Il la reconnut sur-le-champ : c’était Marion Delorme ! Alors il demeura saisi d’admiration, et ce fut lui qui se découvrit et s’inclina profondément devant le bandit. En même temps, il lui tendit une bourse pareille à celle du cabaret. Dans le même instant,