Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/405

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six ombres surgirent et regardèrent la bourse de leurs yeux de braise qui luisaient dans la nuit. Le bravo vérifia rapidement le compte, puis murmura :

"Quand vous voudrez, quand vous aurez besoin de moi, tout à votre service, vous savez où... Allons, mes agneaux, notre besogne est faite, décampons !"

La bande s’évanouit avec une telle rapidité, dans un tel silence, que c’en était merveille. Laffemas un instant, demeura tout effaré. Puis il ferma la portière du carrosse et s’apprêta à prendre place sur le siège. À ce moment, un cavalier mit pied à terre au coin de la rue. Dans le même temps, la petite porte devant laquelle avait stationné le carrosse s’ouvrit, et une voix de stentor se mit à hurler :

"Au secours ! Au feu ! au meurtre ! À la rescousse !"

Déjà Laffemas escaladait le siège. Mais comme le carrosse allait s’élancer, l’espion se sentit saisi par les jambes et ramené en arrière avec une irrésistible violence ; c’était un cavalier qui, accourant aux cris, venait de le harponner.

"File !" vociféra Laffemas.

Le postillon enfonça ses éperons dans le ventre de son cheval et la voiture s’ébranla.

"Au secours ! Au feu ! Au feu ! Au truand ! glapit la voix.

— Tais-toi, braillard ! ordonna le cavalier qui venait de saisir Laffemas et le maintenait par la gorge.

— Monsieur le marquis ! Ah ! miséricorde ! Ah ! je...

— Lanterne, tu vas te faire étriller ! Explique-moi ce que faisait ici ce carrosse, qui est cet homme, et pourquoi tu cries comme un sonneur de cloches.

— Plût au ciel que j’eusse un tocsin à ma disposition ! on vient d’enlever Mme la marquise !"

Henri de Cinq-Mars jeta un cri terrible. À ce moment le carrosse disparaissait au bout de la rue du Petit-Musc, au coin de l’Arsenal. Cinq-Mars réfléchit que sa seule chance de rattraper la voiture, c’était d’interroger l’homme qu’il tenait. Dédaignant donc d’écouter les éloquentes et abondantes explications de Lanterne, il serra un peu plus fort la gorge de Laffemas.

"Tu en étais, toi ? rugit-il.

— Non, râla l’espion. Je passais, j’ai entendu du bruit, je...

— Tu en étais ! répéta Cinq-Mars. Avoue, ou tu es mort !"

Et il dégaina son poignard, dont il fit sentir la pointe au cou de Laffemas.

"Ne me tuez pas, fit celui-ci d’une voix presque calme. Je vais tout vous dire."

Cinq-Mars desserra l’étreinte et cessa d’appuyer sur le poignard. Laffemas, froidement, essuya une goutte de sang qui perlait à sa gorge, souffla bruyamment et dit :

"Rassurez-vous, il ne sera fait aucun mal à Mlle Marion Delorme.