Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/414

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Marion, qui était à demi étendue dans un fauteuil, se leva. La peur, le spectre de la peur venait d’entrer dans cette chambre.

"Bourreau ? fit Richelieu, dont les lèvres se retroussèrent dans un rictus terrible. Et pourquoi pas ?"

Marion était vaillante. La menace - directe, cette fois - la fouetta. Une révolte flamboya dans ses beaux yeux. Richelieu avait reculé : elle avança.

"Soit ! dit-elle. Où est la hache, maître ? Libre de mon corps, j’aime encore mieux le baiser de l’acier sur mon cou que le baiser de vos lèvres sur ma bouche !

— Non ! éclata Richelieu d’une voix qui demeura basse, mais résonna aux oreilles de Marion comme un coup de tonnerre. Pas toi ! Ce n’est pas toi qui monteras à l’échafaud ! Ce sera celui que tu aimes ! Ce sera ton amant ! Écoute : Cinq-Mars est en mon pouvoir. Tu vas décider de son sort."

Marion Delorme frissonna jusqu’à l’âme. Elle couvrit son visage de ses deux mains et murmura :

"Pauvre garçon ! L’amour que je commençais à éprouver pour lui ne lui aura pas porté bonheur !"

Richelieu la vit faiblir et gronda :

"Je la tiens !... Écoutez, Marion. C’est vous qui m’avez poussé au désespoir. Tant pis. Votre amant, je le hais. Je l’ai haï depuis cette minute où, dans les antichambres de l’hôtel d’Ancre, vous êtes venue à moi en lui donnant la main. Tant pis. Je suis le plus fort. Je vais de ce pas au Louvre, j’entre chez le roi, je lui dénonce la conspiration du duc d’Angoulême, je lui prouve que le marquis de Cinq-Mars était l’un des plus acharnés partisans du fils de Charles IX et, ce soir, votre amant, Marion, couchera à la Bastille, en attendant que s’instruise son procès."

Richelieu fixa sur Marion un regard pâle comme une lueur de hache.

"Trouvez-vous, cette fois, que j’aie parlé en tabellion ou en juge ? Est-ce là la déclaration d’amour qu’il vous fallait ?"

Pour la troisième fois, Marion éclata de rire. Mais, cette fois, ce rire était terrible comme un cri de douleur.

"Une déclaration d’amour ? Ça ? Dites un rapport, monseigneur ! Vous parlez comme un espion, et savez-vous ce qu’il vous répondrait, M. de Cinq-Mars, s’il était ici ? il vous ferait la réponse qu’on fait aux espions et, comme il n’est pas là, la voici !"

Un pas, Marion a levé la main. Et cette main fine, à toute volée, s’est abattue sur la joue de Richelieu !

Le duc ne broncha pas. Un soufflet de femme, c’est presque une caresse. Seulement, son sourire se fit plus aigre. L’étrange lueur pâle de son œil gris s’éteignit, puis brilla de nouveau, mouchetée de rouge.

"Sortez maintenant, dit Marion.

— Je sors, dit Richelieu d’un accent si calme que Marion