Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/428

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paru que la certitude de n’avoir pas perdu à tout jamais celle qu’il aimait devait suffire à son bonheur. Non seulement Giselle n’était pas marquise, mais encore il était à peu près sûr qu’elle ne le deviendrait jamais. Mais Capestang, débarrassé de la crainte de Cinq-Mars, se forgea des craintes nouvelles qui, malheureusement, avaient toutes les apparences de la raison.

"Elle m’aime, se disait-il. Ou, plutôt, elle a eu un mouvement de générosité qu’elle a peut-être oublié. Mais est-il vraiment possible qu’une aussi grande dame devienne l’épouse d’un pauvre diable comme moi ? Non, jamais le duc d’Angoulême n’y pourra consentir, et elle-même..."

L’aventurier acheva par un gros soupir. Quoi qu’il en fût, il était décidé à revoir Giselle et le duc d’Angoulême. En effet, Capestang ignorait que le duc était à la Bastille. Capestang chercha donc. Mais ni rue des Barrés, ni rue Dauphine, ni à Meudon, il ne trouva rien. Faut-il le dire ? Sur le soir, Capestang rentra à la Bonne-Encontre, enchanté de n’avoir pas trouvé ! Capestang n’avait aucune raison de penser qu’un danger menaçait la jeune fille. Persuadé que le moment où il la reverrait serait celui où il apprendrait qu’il ne devait plus penser à elle, il était tout joyeux de reculer cet instant terrible, tout en souhaitant ardemment se trouver en présence de Giselle.

"Bon ! pensa Cogolin en se frottant les mains, monsieur le chevalier paraît tout joyeux ; c’est qu’il est près de saisir la Fortune par sa perruque."

Pour tout dire, notre héros était bien loin d’être un chevalier de la Triste Figure. Les soupirs, les larmes n’étaient guère son fait. Il aimait la vie pour la vie, pour le bonheur de respirer.

La nuit venue, il se dirigea vers la Bastille. Dans son ingénuité, il se reprochait d’avoir fait emprisonner le prince de Condé. Il voulait sincèrement et sérieusement essayer de le délivrer. Et puis, c’était une leçon infligée au petit roi Louis XIII. Parvenu au bord du fossé qui entourait la vieille forteresse, il commença donc par étudier la grande porte, et, voyant qu’il était impossible de rien tenter de ce côté-là, il fit le tour de la forteresse, cherchant le point faible, résolu à trouver coûte que coûte un moyen de s’introduire dans la place, et une fois là...

Que ferait-il, une fois dans la Bastille ? Du diable s’il le savait ! Il savait seulement qu’il voulait délivrer Condé. La bonne idée lui viendrait au moment décisif ! Laissant donc Cogolin en sentinelle, non loin de la grande porte, il se dirigea vers la droite, à la clarté de la lune. Plus il avançait, plus il reconnaissait la folie de l’entreprise. Raison de plus pour s’obstiner.

Il s’était arrêté à un endroit où le fossé se rapprochait d’une