Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/44

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nuit plus étrange encore, le chevalier de Capestang arrivait enfin à Paris. Le cavalier qui, depuis Meudon, l’avait suivi pas à pas, sans le perdre un seul instant de vue, y entra en même temps que lui. Le chevalier de Capestang ne l’avait nullement remarqué.

Sa première idée, lorsqu’il eut franchi la barrière, fut de s’enquérir au premier passant du logis de monseigneur le maréchal d’Ancre ; il voulait, en effet se loger le plus près possible de celui qu’il avait résolu d’adopter pour protecteur. Aussitôt, autour de ce beau cavalier de si fière mine, il se fit un rassemblement : de tout temps, les Parisiens ont été fort badauds. Et comme Capestang, au lieu d’un renseignement qu’il demandait en trouvait aussitôt vingt, comme il ne savait auquel entendre, un cavalier s’approcha de lui et lui dit en saluant :

"Si vous le permettez, monsieur, je vais vous conduire à l'hôtel du maréchal."

Ce cavalier, c'était Rinaldo !

Le chevalier jeta un coup d’œil sur l'inconnu : sourire faux, regard sournois, l'homme lui déplut. Et si l’offre était honnête, elle avait été faite avec une si visible ironie, l’attitude révélait une insolence si mal contenue que le sang monta à la tête du jeune homme.

"Mille grâces, dit-il, tout hérissé de politesse aiguë. Il est des honneurs honorables. Mais rien qu’à vous voir, monsieur, je devine que celui d’être guidé par vous serait une véritable extravagance.

Per bacco ! gronda Rinaldo.

― Corbacque !" fit Capestang.

Les deux exclamations cliquetèrent comme deux épées qui se croisent. Mais Rinaldo, dans le même instant, se radoucit.

"Une querelle, songea-t-il. Je suis fou. Vainqueur ou vaincu, le sacripant m'échapperait. Allons, Rinaldo, de la souplesse, que diable !"

"Monsieur, reprit-il, tout l'honneur sera pour moi. Je ne vous quitte plus que je ne vous aie mis en lieu sûr, tant vous me plaisez dès l’abord.

― Oh ! mais vous m'accablez, fit Capestang d’un air d’admiration ébahie.

― Peuh ! nous autres, Parisiens, sommes charitables au provincial...

― Et quel bonheur, dit Capestang le chapeau à la main, quelle chance pour le pauvre provincial de se heurter à quelque généreux Parisien de Sicile, de Calabre, ou des Pouilles !"

"Per la madona ! gronda Rinaldo, tu me paieras chacun de tes coups de langue d'une pinte de sang. Patience, patience !"

Il éclata de rire, et d’un ton enjoué, d’un ton de franche belle humeur, il s’écria :

"Maudit accent qui me trahit toujours ! C'est vrai, j'arrive