Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/443

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donner l’ordre de mettre à mort Capestang et Giselle. Mais tu n’avais pas dit une reine, n’est-ce pas ?

— Non, madame : je n’avais pas dit une reine, et vous avez fait intervenir Marie de Médicis ?

— J’en ai été bien punie, Lorenzo !

— C’est bien, madame. Dites-moi maintenant comment ce malheur est arrivé, peut-être pourrons-nous le réparer.

— Le sais-je ? s’écria Léonora en se tordant les mains. Tout ce que je sais, c’est que la reine, devant moi, a donné l’ordre à Belphégor de faire descendre l’aventurier dans le puits. Lui mort, il devait conduire Giselle devant le cadavre. Ainsi, je pensais obéir exactement, puisque c’était une tête couronnée qui donnait l’ordre ; puisque c’était l’épouvante qui tuait Capestang ; puisque c’était la douleur qui tuait Giselle ! et qu’ainsi je n’eusse employé ni le fer ni le poison, ni l’eau ni le feu, ni la faim ni la soif ! C’était au cours de la fête maudite que Concino donnait. Lorsque nous avons pensé que la mort avait accompli son œuvre, nous avons appelé Concino. Tous trois, lui, la reine et moi, nous sommes descendus dans les souterrains. Et là, nous n’avons plus trouvé personne ; ni Capestang, ni Giselle, ni Belphégor. C’est sûrement le Nubien qui les a délivrés et, sûrement aussi, il a obéi malgré lui à quelque suggestion d’enfer, car tu connais l’infini dévouement de mon serviteur...

— Et qu’est devenu Belphégor ?

— Disparu. J’ai donné des ordres pour le faire rechercher.

— Et qu’a dit l’illustre maréchal d’Ancre ?"

Léonora demeura quelques instants pensive.

"Concino, dit-elle lentement, me tuera. J’ai lu ma condamnation dans ses yeux. Je mourrai de sa main, Lorenzo !

— Et vous l’aimez encore ?

— Oui !" répondit Léonora avec une sublime simplicité.

Lorenzo courba la tête avec une sorte d’admiration mêlée de terreur.

"Mystère insondable du cœur de la femme ! songea-t-il. Qui sait si elle aimerait Concino épris d’elle ? Cet homme la hait, la méprise, il la tuera sûrement - et elle l’adore !

— Oui, reprit Léonora, comme si elle eût lu dans la pensée de Lorenzo, il me tuera. Mais pas avant que je lui aie donné le bonheur et la toute-puissance. Alors, je mourrai heureuse, oui, heureuse de mourir par lui et pour lui."

Une exaltation de passion auréolait à ce moment la laideur de Léonora. L’amour la transfigurait. À un poète, à un artiste, elle eût semblé belle, réellement belle par l’éclat de ses beaux yeux de ténèbres flamboyantes, par le sourire de ses lèvres pâles, par cette sorte de lumineux dévouement qui avait on ne sait quoi de formidable et d’infiniment doux.

"Il me tuera donc, fit-elle d’une voix ferme. Mais il sait qu’il ne peut atteindre au bonheur de l’amour que lorsque je lui