Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/479

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tressailli violemment et sursaute dans le fauteuil où il est assis, songeant que cette journée est peut-être la dernière de sa vie, que peut-être il va mourir ! Mourir... Et lui qui a peur de la mort, lui qui tremble, lui qui a passé les jours à parer les coups de poignard, lui dont les nuits sont hantées par le spectre de l’assassinat, eh bien, cette fois, il y a quelque chose qui lui paraît plus affreux que la mort ! C’est de mourir sans s’être vengé de Capestang ! Sans avoir revu Giselle !...

Ces deux passions - haine et amour - ont ravagé cet être. Il ne conçoit plus la vie sans cette Giselle dont le souvenir lui brûle le sang. Et quant au Capitan qui a fait l’un après l’autre avorter ses projets, ah ! comme il mourrait volontiers s’il avait la joie de tomber sur le cadavre de cet homme ! Telles sont les pensées que Concini roule dans son esprit au moment où entre Léonora.

"Quoi ! Qu’y a-t-il ! Qui est là ! hurle-t-il en se levant et en portant la main à son poignard. Ah ! reprend-il, rassuré, c’est vous, Léonora !


— Oui, mon Concino, dit-elle d’une voix de profonde tendresse, il n’y a rien à redouter. Allons, de quoi as-tu peur ? Ne suis-je pas là, moi !"

Concini, longuement, contemple d’un regard de haine, cette femme qui est pour lui le dévouement poussé jusqu’à sa logique la plus implacable. À cette attitude d’amour, de protestation, de fidélité, il répond par une attitude de mépris.

"Oui, tu es là, gronde Concini, comme le mauvais ange de ma vie ! Que viens-tu m’annoncer aujourd’hui ? Que viens-tu en un tel moment ? Toutes les fois qu’une catastrophe s’est abattue sur l’ambition de mon esprit ou l’ambition de mon cœur, j’ai vu tes ailes noires s’éployer sur moi, j’ai senti ton souffle glacé passer sur mon front, et toujours, en même temps que toi, le malheur entrait ici. Pourquoi viens-tu ? Pourquoi n’obéis-tu pas à nos conventions ? Il était entendu que nous ne devions plus nous voir qu’en public. Laisse-moi au moins souffrir à mon aise."

Il repoussa violemment le fauteuil et se mit à marcher à grands pas. Léonora, lucide jusque dans la torture, songeait :

"Il pense à Giselle ! Et il n’ose prononcer son nom !..."

Concini revint sur elle en faisant un effort pour se calmer :

"Que me voulez-vous ? fit-il d’un ton bref.

— Concino, répondit Léonora d’une voix admirable de calme et d’autorité, Concino, il faut aller au Louvre !"

Il haussa les épaules et ricana :

"Bon conseil ! Excellent ! Sublime ! Traverser cette fournaise ! Mais vous n’entendez donc pas le hurlement de l’émeute déchaînée contre moi !

— Non, Concino, ni contre toi, ni contre le roi, ni au fond contre personne. L’émeute est pour quelqu’un. Et ce quelqu’un, c’est le duc de Guise. Concino, Guise doit aller au Louvre imposer ses volontés au roi. Concino, il ne faut pas que Guise sorte