Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/481

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s’il persistait à obtenir une audience qui lui serait refusée. Concini proposa d’envoyer un ambassadeur à l’hôtel de Guise et de lui demander ses conditions pour une paix honorable. Ornano proposa de laisser entrer le duc et une fois qu’il serait dans le Louvre de lui faire ce qu’on avait fait au Balafré, son père, dans le château de Blois. Le vieux soldat exposa que la situation était identique et qu’il fallait donner la parole aux épées. Le jeune roi, un peu pâle, mais très ferme, écouta tous les avis sans approuver ni désapprouver.

"Et vous, monsieur l’évêque, que conseillez-vous ? dit-il.

— Sire, dit Richelieu de cet accent d’autorité que déjà il s’habituait à prendre, Votre Majesté ne peut sortir du Louvre : c’est là une abdication. Le jour des Barricades, Henri III eût dû rester dans le palais des rois. Un roi qui quitte son trône est un roi déchu."

Louis XIII, d’un mouvement nerveux de la tête, approuva. Puis il murmura :

"On me tuera peut-être. Mais c’est sur mon trône que les assassins devront venir me chercher.

— Nous ne pouvons pas non plus, continua Richelieu, empêcher M. de Guise d’entrer au Louvre. S’il a l’audace de se présenter dans les conditions que l’on dit et auxquelles je ne puis croire encore, il aura derrière lui cent mille Parisiens. Je connais ce peuple, sire ; d’un coup de griffe, il renversera les barrières du Louvre... et Guise entrera en vainqueur au lieu d’entrer en sujet, voilà tout. Nous ne pouvons pas non plus, comme le propose M. le maréchal d’Ancre, envoyer une ambassade à l’hôtel de Guise ; ce serait un aveu d’impuissance et de crainte. Votre Majesté tient l’étendard de la monarchie. Elle ne doit l’incliner devant une faction de rebelles promis à l’échafaud.

Saëtta[1] ! murmura Ornano, il va bien le frocard !"

Louis XIII avait redressé fièrement sa jeune tête, et, appuyant sa main fine sur la table :

"On tranchera cette main avant que je n’incline devant les Guise le fanion que je tiens de mon père !

— Sire, reprit Richelieu, Votre Majesté décidera. Moi, je laisserais entrer le duc, mais non pour le poignarder, ainsi que le demande M. d’Ornano. Le Balafré a été tué à Blois, c’est vrai ! Mais Jacques Clément a ramassé dans le sang l’épée qui a tué Guise et il s’en est fait un couteau pour tuer Henri III. Car le sang appelle le sang. Je laisserais donc entrer le fils du Balafré. J’écouterais l’exposé de ses demandes, et je lui répondrais que je vais réunir les États pour les examiner. Votre Majesté peut être certaine que l’annonce d’une pareille assemblée suffira pour calmer les bourgeois de Paris, qui sont aujourd’hui la principale force de M. de Guise. Quant à la noblesse..."

  1. Invocation à la foudre. Juron corse. (Note de l'auteur)