Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/496

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tant qu’il ne la saura pas par cœur !

— C’est bien !" dit Lorenzo d’une voix qui, cette fois, trembla convulsivement.

Il s’assit. Il saisit une plume toujours prête sur la table, près de feuilles de parchemins ornées de signes cabalistiques. Il jeta un regard à Belphégor... Belphégor bâillait !... Lorenzo, d’une plume rapide, écrivit...

Il écrivit deux lignes. Il fit alors sécher l’encre rouge (qui, en certains cas, passait pour du sang), plia le parchemin, le scella, et le remit à Cogolin.

"Va ! murmura-t-il. Hâte-toi ! Que ton maître apprenne cette prière cette nuit, oh ! cette nuit, entends-tu ? et sa fortune est faite ! Va ! et dis à ton maître que le sorcier du Pont-au-Change, en lui envoyant ce parchemin, lui crie de loin, du fond de son cœur : « Que Dieu vous garde et vous conduise. »"

Ému, étonné par l’accent de profonde sensibilité avec lequel le sorcier avait prononcé ces derniers mots, Cogolin murmura un remerciement confus, puis s’élança vers la porte que Belphégor lui ouvrait lui-même. Un instant plus tard, il avait disparu dans la nuit. Et alors, comme le Nubien achevait de cadenasser la porte, Lorenzo se tourna vers lui, et d’une voix qui vibra comme l’airain :

"Maintenant, Belphégor, accomplis les ordres de ta maîtresse ! exécute la sentence de la Galigaï !"


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Cogolin était parti en courant. Il portait une fortune ; cela donne des jambes aux culs-de-jatte, des bras aux manchots, de l’esprit aux idiots. Cogolin qui n’était ni cul-de-jatte, ni manchot, ni imbécile, sentit se décupler ses facultés ordinaires. Dix minutes lui suffirent pour se transporter jusqu’à la Bonne-Encontre. Là, il se précipita dans la chambre de Capestang, une lumière dans une main, le talisman dans l’autre. Le chevalier dormait.

"Il ne se doute pas de ce qui l’attend !" murmura le digne écuyer avec un large rire.

À ce moment, le chevalier, réveillé par la lumière, ouvrit un œil. Cogolin en profita pour crier tout d’une voix :

"Monsieur le chevalier, je vous apporte la fortune !

— Où est-elle ? fit Capestang qui ouvrit l’autre œil.

— Je vais vous expliquer, monsieur, il suffit de...

— N’explique rien du tout ! interrompit le chevalier. Tu me viens éveiller au plus bel endroit de mon somme. Tu pousses des cris à m’assourdir. Tu mérites la bastonnade. Cependant, comme tu prétends que tu m’apportes la fortune, je veux la voir. Montre-la.

— Mais, monsieur le chevalier, il faut justement que je vous explique ce qui doit...

— Montre, te dis-je ! vociféra l’aventurier en jetant une jambe hors des couvertures. Tu as dit : « J’apporte la fortune ! » L’as-tu dit, bélître ?