Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/530

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Lui ! Capestang !

Elle le vit s’avancer, livide, sanglant, les yeux fixés sur elle, hérissé, formidable ; elle le vit venir d’un pas égal, comme poussé par une de ces forces irrésistibles qui n’ont pas besoin de hâte, et elle sentit qu’elle s’évanouissait !


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Capestang avait arrêté l’indomptable Fend-l’Air tout blanc d’écume, tout rouge de sang, devant le perron de la Pie-Voleuse. Dans le même instant, il se trouva à terre, et son regard dans une terrible vision circulaire embrassa tout le décor.

Devant la porte de l’auberge, un carrosse arrêté, avec son conducteur sur le siège. Sur le perron, Nicolette blême, raidie dans l’angoisse de l’attente. En avant et en arrière, des groupes d’hommes et de femmes effarés d’épouvante. De l’autre côté de la route, la mystérieuse maison ! Le château enchanté ! Sa grande porte éventrée. Et en bas, des madriers, des barres de fer, des haches...

Capestang comprit. Il marcha à la porte défoncée. Il ne dit pas un mot, ne demanda rien à personne, il ne poussa pas un cri ; mais ses yeux jetaient une singulière lueur comme phosphorescente ; ses lèvres se retroussaient, montrant les dents aiguës ; on eût dit un mufle de lion.

Et du lion il avait la marche en bonds souples, élastiques, tranquilles et furieux tout ensemble - le formidable déploiement d’une force formidable tendue jusqu’à ce point extrême où l’homme parfois s’écroule, le cœur crevé.

Capestang ne tira pas son épée. Les gens qui étaient là le virent se baisser avant d’entrer, sans comprendre ce qu’il faisait. Puis il disparut dans l’intérieur.

Capestang, disions-nous, s’était baissé : il avait cueilli au passage, d’une seule main, une monstrueuse barre de fer qui avait tout à l’heure exigé la manœuvre de deux hommes. Cette masse de fer, il ne la sentait pas dans sa main. Elle ne lui pesait pas. Sans doute n’eût-elle pas pesé davantage, même deux fois plus lourde. Dans ces effroyables minutes, d’inconcevables phénomènes s’accomplissent. Il allait d’un pas égal. Mais un souffle court et rauque lui brûlait les lèvres. Et parfois, de sa poitrine, fusait une clameur furieuse : « Giselle ! Me voici ! Giselle ! »


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De pièce en pièce, les spadassins conduits par Rinaldo s’avançaient. Ils avaient l’épée au poing. Rinaldo seul avait gardé la sienne au fourreau. Il allait sans hâte, frisant sa moustache, donnant ses ordres d’un ton joyeux, sifflotant une fanfare. À mesure qu’une pièce était explorée, on passait à une autre.