Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/59

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"Que dis-tu de mon idée ? fit Concini lorsqu'il eut regagné son cabinet.

― Sublime, monseigneur !

― Oui, fit Concini pensif, c’est une idée que j’emprunte à Catherine de Médicis, Catherine la Grande ! Il y a des moments où il est dangereux d’expédier un Maurevert contre un Coligny, ou d’offrir des gants parfumés à une Jeanne d’Albret. Il y a des circonstances où l’arquebuse fait trop de bruit, où le poison laisse des traces. Catherine la Grande faisait saisir celui ou celle qui la gênait, l’invitait à entrer dans quelque endroit bien clos, cave ou grenier, et une fois la porte murée, elle les y oubliait. C’était une grande politique.

― Cela s'appelle une oubliette, dit Rinaldo. Mais monseigneur, je vous demanderai la permission d'aller faire panser ma cuisse qui a reçu une rude égratignure.

― Va trouver Hérouard.

― Le médecin du roi ? J'ai de la méfiance. Je vais simplement trouver Lorenzo, le marchand d'herbes du Pont-au Change.

― Va. Et moi, Rinaldo, je vais voir quelqu'un qui me fait plus peur que dix Capestang ! murmura Concini.

— Qui cela ? L’évêque de Luçon, peut-être ? ou Luynes ? ou Ornano ?

— Non ! gronda le maréchal. Je vais voir la fille du duc d’Angoulême, je vais voir Giselle !

― Elle vous fait peur ? dit Rinaldo en regardant fixement son maître. Eh bien, monseigneur, voulez-vous que je vous la rende plus douce qu’une gazelle, plus souple qu’une jeune lionne apprivoisée, plus éprise qu’une tourterelle aux temps des amours ? Dites, le voulez-vous !

― Oh ! rugit Concini. Si cela était... mais non ! impossible ! elle me hait !

― Tout cela est possible, ricana Rinaldo. Car tout cela, monseigneur, je vais le demander au marchand d’herbes du Pont-au-Change !"

Quelques minutes plus tard, Concini, sans aucun souci des visiteurs qui, dans ses antichambres, attendaient son bon plaisir, s’enveloppait d’un ample manteau, sortait de l’hôtel par une porte dérobée, remontait à pied la rue de Tournon, et gagnait rapidement le couvent des Carmes déchaussés. A l’encoignure du jardin des dignes pères, s’ouvrait une voie peu fréquentée, où de rares maisons s’espaçaient parmi les terrains à peu près incultes. On l’appelait la rue Casset.

Une de ces maisons était un coquet petit hôtel de pur style Renaissance qui se dressait vers le milieu de la rue, à gauche. Concini pénétra dans cette maison dont la porte s’était mystérieusement ouverte devant lui.

À peine eût-il disparu qu'une femme se montra à l'angle de la rue Casset et du couvent des Carmes. Et à son tour, elle