Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/6

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fait que l’entrevoir ! Ne savoir d’elle que ce nom de Giselle, ce nom adoré que je balbutie en pleurant dans mes longues nuits sans sommeil !... Je veux, entends-tu, je veux savoir qui elle est, je veux que tu la retrouves ! Va, cherche, dépense sans compter, jette mille espions dans Paris, va, mon Rinaldo, et ne reparais que pour me crier : « Vivez, espérez, aimez, Giselle est retrouvée ! »

— Très bien, monseigneur, je résume. Côté haine : m'assurer si le duc d'Angoulême a eu l'audace de rentrer dans Paris comme on le dit ; et alors, lui préparer un bon traquenard. Côté amour : me mettre en campagne pour retrouver notre inconnue, avec pour guide, ce nom de Giselle.

— Retrouve-la, Rinaldo, retrouve-la ! Et je te fais comte !

— Monseigneur votre Giselle sera retrouvée, je le jure sur le titre de la noblesse que vous venez de me conférer !"

Concini pâlit. Il porte la main à son cœur, et palpite, secoué par un long frisson. Rinaldo s'est éloigné. Dans la cour de l'hôtel, il monte à cheval et murmure en ricanant :

"Pardieu ! je parierais bien ma noblesse toute neuve que c'est elle que j'ai vue hier aux environs de Meudon! Mais il faut que je sois sûr ! Si je donnais une fausse piste à Concino, je le connais, mon illustre maître : il me ferait comte de la Bastille et me laisserait pourrir dans mon comté. Allons ! À Meudon !".

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À Meudon. Derrière la dernière maison du village, c'est un vieux parc abandonné, touffu, envahi par les végétations libres. Près de la grille, un alezan tout sellé, qu'un vieux serviteur tient en bride. Et, s’avançant vers le cheval, une jeune fille qui s’appuie au bras d’un gentilhomme de fière allure, les tempes grises, le visage pâle de cette pâleur spéciale des gens qui ont longtemps vécu dans un cachot, mais plein de vigueur concentrée, jeune encore, paraissant la quarantaine.

La jeune fille, avec une grâce hardie, porte un costume amazone en velours bleu ; sa beauté blonde et lumineuse est de celles qui étonnent, bouleversent, inspirent de foudroyantes passions. Mais ce qui frappe, charme, éblouit plus encore que la noblesse du front, la magnificence de la chevelure, l’azur profond des yeux, l’harmonie de la taille et du corps, ce qui imprime à cette beauté un caractère personnel, c’est cet air d’indicible dignité dans les attitudes, cette admirable franchise du regard, cette intrépidité d’âme qui paraît à son geste, à sa parole, à toute sa personne.

"Adieu, mon père, dit la jeune fille en s’arrêtant près de la grille.