Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/67

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et lointaine.

Mais, cette fois encore, Capestang ne l'entendit pas. Il venait de se retourner vers la porte, il se cramponnait des deux mains à la clef... Et cette clef, il parvint à la tourner. Il tira à lui... La porte s'ouvrit !

La seconde qui suivit fut pour Capestang la hideuse, l’effroyable seconde d’épouvante où le cœur défaille, où le cerveau chavire, où les yeux refusent de croire à ce qu’ils voient, où l’échine frissonne au contact de ce reptile glacé qui s’appelle la peur. Capestang éprouva la peur dans ce qu’elle a de mortel. Il ferma les yeux, porta les deux mains à ses tempes qui battaient le rappel de l’horreur, et il râla :

"Muré ! Ils m'ont muré vivant ! Je vais mourir ici de faim et de soif ! Je vais me sentir mourir heure par heure, minute par minute ! Je ne me trompais pas : j’étais bien dans une tombe ! Seulement, ils m’y ont mis tout vivant ! Et la soif ! oh ! l’horrible soif qui me brûle, me consume, me dévore ! Oh ! une goutte d’eau ! rien qu’une goutte !"

En parlant ainsi, il reculait devant ce mur de briques et de ciment qui bouchait la porte, comme le condamné recule d’un mouvement instinctif quand il voit l’échafaud. Il reculait, éperdu, fou de terreur et de fureur contre les bourreaux qui avaient imaginé pour lui une telle agonie. Il reculait, et soudain il trébucha. Sa tête heurta violemment un obstacle et il tomba sur les genoux. Dans le même moment, le jour se fit plus vif dans le réduit ; il y eut comme un bruit de glissement de quelque chose qui court et qui bondit ; puis, le silence : puis, très loin ou très bas, le bruit d’un objet, grès ou faïence, qui se brise sur des pavés.

Cet obstacle contre lequel Capestang venait de se choquer, c’était le toit en pente raide. Cet objet qui se brisait, c’était une tuile arrachée par le heurt de sa tête, et qui avait glissé, rebondit jusqu’au pavé d’une étroite courette. Capestang était tombé au-dessous de l’ouverture ainsi pratiquée, par où descendait maintenant un peu plus de lumière.

Et comme il était là, pantelant, essayant encore un geste de menace terrible, il sentit sur son front une délicieuse impression de fraîcheur, puis une autre, puis d’autres encore, et il entendit le roulement du tambour qui redoublait, et, ayant levé ses yeux hagards vers l’ouverture, il vit qu’il pleuvait à torrents… l’eau ruisselait, l’eau du ciel, bienfaisante, sauveuse, l’eau lui inondait la tête ; il se sentait renaître, son cœur s’apaisait, et alors, à cette eau du ciel, il tendit ses mains, son front, sa figure, il la respirait, l’absorbait avec une exquise frénésie… et il se relevait, il écartait une tuile, deux tuiles, il passait sa tête dans l’ouverture, reniflait, lampait l’averse, et bégayait :

"Ah ! que c’est bon, que c’est donc bon, l’eau généreuse du ciel !"