Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/98

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Elle parlait doucement, et il y avait une supplication intense dans sa voix. Concini grinça :

"Je vais te tuer, en effet ..."

Elle leva les yeux sur lui, et le vit au paroxysme de la rage ; dans ses yeux striés de rouge, elle vit luire la folie du meurtre ; elle vit sa main qui se crispait sur le manche du poignard qu'il portait à sa ceinture ; elle vit la lame sortir du fourreau ... Et elle sourit ... D’un geste rapide, elle arracha les dentelles qui couvraient sa gorge, et elle dit, toujours en souriant, toujours tandis que ses larmes d’amour tombaient sans arrêt, sourire et larmes se mêlant, sublime d’amour, elle dit :

"Frappe, mon Concino, tue-moi, puisque j’ai fait du mal à ton cœur, puisque je lui en ferais encore si je vivais ! Frappe d’un seul coup. Ta Léonora te dit adieu… elle meurt désespérée, Concino. Elle meurt avec l’affreuse pensée que jamais il n’y eut chez toi une seule vibration d’amour pour la pauvre femme qui t’a tant aimé… Frappe donc ! Je meurs et je pleure sur toi, mon Concino. Moi morte, que vas-tu devenir ? Comment vas-tu échapper à la vengeance de Maria ? Qui te réconciliera avec elle ? Et quelle meute de chiens enragés autour de toi, dès l’instant où l’on saura que la reine t’abandonne ! O Concino, Concino ! Frappe-moi ! Du moins, je ne verrai pas ta chute et ta mort !..."

Léonora Galigaï était sincère. Mais si Léonora n’avait pas vraiment mis son cœur à nu, si elle n’avait pas été sincère, les paroles qu’elle venait de prononcer eussent été la merveille des chefs-d’œuvre.

En effet, à cette évocation soudaine de sa chute, la reine l’abandonnant, ses ennemis se ruant sur lui, Concino recula. Un bouleversement inouï se fit en lui. Fureur, douleur, rage, amour, passion, tout s’effondra en lui. Léonora vit cette terreur. Une lueur d’espoir brilla dans ses magnifiques yeux noirs. D’une voix plus ardente, elle continua :

"Tu sais ou tu ne sais pas, mais depuis longtemps j’étudie la science des astres avec Lorenzo. Par mon ordre, cent fois, Lorenzo a recommencé ton horoscope. Tu as comme moi une confiance absolue dans la sublime science de cet homme si petit par le corps, si grand par l’esprit. Eh bien, Concino, les réponses magiques, toujours sont les mêmes : tu mourras dès l’instant où la reine Maria ne t’aimera plus... Tu mourras de mort violente ! Et c’est pour cela que moi… moi qui t’adore, je permets, je souffre que tu sois aimé de Maria !"

Cette fois, Concini livide, sentit le spectre de la peur le saisir à la gorge. Il recula. D’un geste violent, il jeta son poignard, se mordit le poing, et rugit :

"Je suis trop lâche !"

Dans un mouvement de passion irrésistible, Léonora le