Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/99

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saisit à pleins bras, l’enlaça, l’étreignit avec la violente douceur de l’amour exalté, et, de sa voix ardente, lèvres contre lèvres :

"Non, tu n'es pas trop lâche ! Reprends conscience de toi-même et de ta force. Ne parlons plus de cette fille, Concino ! Tous les caprices, je te les supporterai. Je suis ta femme et ta maîtresse, et ta servante et ton esclave. Mais je ne veux pas que ton cœur parle pour une autre. Entends-moi, comprends-moi. Des caprices d’une heure ou d’un jour, oui, tu es le maître. De l’amour, non ! Cette fille mourra, Concino ! Ne tremble pas, ne pleure pas, ne te révolte pas, mon bien-aimé ! En la tuant, je te délivre. Elle t’eût conduit à la suprême catastrophe. Ah ! tu me comprends ! Moi, moi seule, Concino, puis avoir assez d’amour pur et dévoué pour assurer ta fortune et ta grandeur !

— Ma fortune ! gronda amèrement Concini. Tu as soufflé dessus. Ma grandeur, tu l'as réduite à néant. Toi-même, tu l’as dit : la vengeance de Maria, c’est ma déchéance et peut-être ma mort !..."

Elle se colla à lui plus étroitement. Sa voix baissa.

"Maria ! Ce soir, demain, je te réconcilie avec elle ... tu deviens plus puissant... écoute...

— Et elle ! haleta Concini.

— Elle ! Cette fille ? Ce soir, elle sera libre.

— Libre ! rugit Concini, flamboyant de joie.

— Libre... jusqu'à ce que je la tue ! Libre, parce qu'elle va me mettre en présence du duc d'Angoulême, de Guise, de Condé ... parce que, par elle, je vais devenir l'âme de la conspiration ! Et dès lors ... le roi... le roi qui règne en ce moment ...

— Le roi ! balbutia Concini.

— Eh bien, ... le roi... dans quelques jours ... le roi est mort !"

Léonora dénoua ses bras dont elle enserrait le cou de son mari. Elle se redressa. Une flamme d’amour terrible et d’orgueil indescriptible illumina son visage. Concini la considérait avec une sorte d’épouvante admirable.

"Le roi mort !" murmura-t-il sourdement.

Léonora acheva :

"Et comme il faut un roi à ce royaume, comme Maria de Médicis nous appartient, comme Condé s’en ira quand nous l’aurons gorgé d’or, comme Guise pourrira dans un cachot, comme Charles d’Angoulême, le plus redoutable de tous, ne sera plus à redouter puisque sa tête va rouler sous la hache du bourreau. Concino, Concino, il n’y a plus qu’un roi possible !"

Et tandis que Concini stupide d’épouvante et de convoitise, ébloui, fasciné, écrasé, de la fortune qu’il entrevoyait se courbait sous