Page:Zévaco - Les Pardaillan - L'épopée d'amour, 1926.djvu/26

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n’eussent porté l’accent d’aucune émotion. Mais l’astrologue la connaissait. Et la voix de sa terrible amante lui apparut si formidable qu’il tint les yeux baissés, n’osant pas regarder celle qui, en apparence, lui parlait si paisiblement.

Sombre, la bouche contractée, les yeux fixés dans la nuit vers le point où le comte avait disparu, la reine reprit :

"Tu vois donc que tu peux te rassurer, mon bon René ; ton affection paternelle ne sera soumise à aucune épreuve.

—Si, madame ! répondit sourdement l’astrologue ; je sais que mon fils va mourir et que rien au monde ne peut le sauver."

Catherine, étonnée, jeta un furtif regard sur l’astrologue.

"Expliquez-moi cela ! " fit-elle en s’asseyant dans un fauteuil.

Ruggieri se redressa. Son visage ne manquait ni de beauté, ni même d’une certaine majesté naturelle. Ruggieri était loin d’être un charlatan. Nature complexe, faible au point d’accepter sans révolte les plus effroyables besognes, implacable dans l’exécution des crimes que seul il n’eût jamais osé concevoir, pitoyable quand il était livré à lui-même, terrible quand il redevenait l’instrument de la reine, il eût sans doute passé sa vie en étudiant, et fût devenu un paisible savant s’il ne s’était trouvé sur le chemin de Catherine.

L’art de la divination par les astres n’était pour Ruggieri qu’un art intermédiaire : il cherchait plus haut et plus loin. Connaître l’avenir, se disait-il, c’est le diriger ! Quelle redoutable puissance armera l’homme qui parviendra à savoir aujourd’hui ce que demain doit être ! Et que deviendra cette puissance si cet homme peut faire de l’or à sa guise ?

Ruggieri croyait donc fermement.

Sans cesse déçu dans ses calculs, souvent, lorsqu’il avait passé des nuits, il laissait tomber sa plume avec découragement. Mais bientôt