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ÉRIC LE MENDIANT.

Celui-ci accourut avec toute la prestesse d’un jeune homme, et leva vers Octave sa tête et ses regards avides.

— Pour vous servir, mon bon monsieur, dit-il en s’inclinant humblement, malgré mes soixante-dix ans et mes infirmités, il y a bien des services que je puis rendre encore ; et me voilà prêt, mon bon monsieur.

Octave l’examina.

Ce mendiant, pouvait avoir cinquante ans au plus, malgré les soixante-dix qu’il s’attribuait si généreusement. Il portait le costume déguenillé de l’emploi ; une besace vide pendait à son côté, et un bandeau couvrait une partie de sa figure.

D’ailleurs il avait l’air fort respectable, et nul, si ce n’est Tanneguy, n’eût pu reconnaître dans cet homme Éric, le mendiant de Saint-Jean-du-Doigt.

C’était lui cependant, toujours aussi vert, aussi vigoureux, jouant encore avec la même astuce et le même bonheur la comédie de la mendicité. Éric avait été obligé de fuir les environs de Saint-Jean-du-Doigt après le départ de Tanneguy ; on avait su ses calomnies, et tout le canton avait cessé presque instantanément de lui faire l’aumône.

Éric avait donc quitté le pays et s’était dirigé vers Saint-Matthieu, conservant au fond du cœur une haine implacable contre Tanneguy et sa fille dont il avait fait le malheur, mais qu’il accusait d’avoir fait le sien.

Éric était une mauvaise nature ; aucun bienfait ne pouvait le ramener. Il s’était promis de se venger de Tanneguy, et rien n’aurait pu le faire renoncer à ses projets de vengeance. Sans s’en douter, ou sans s’en inquiéter, il suivait cette pente sanglante qui mène tout droit au bagne.

Du reste le bagne est à Brest, à deux pas de la