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ÉRIC LE MENDIANT.

passées de la jeune fille, et leva vers elle un regard craintif et troublé.

Marguerite souriait.

— Ce que vous me dites, Octave, répondit-elle, n’a pas lieu de m’étonner, et vous n’êtes pas la première personne qui me teniez un pareil langage.

— Dites-vous vrai ?

— À plusieurs reprises déjà ce propos m’est revenu, et l’on a même été jusqu’à prétendre que j’étais folle.

Octave frémit, et un frisson glacé passa sous ses cheveux.

— Folle ! répéta-t-il en serrant les mains de Marguerite dans les siennes.

L’attitude de Marguerite était douce, calme et reposée ; un beau sourire éclairait son visage, et ses deux yeux éclataient d’intelligence et de candeur.

— J’ignore, reprit-elle, dans quel intérêt ce bruit a été répandu ; l’espèce d’isolement dans lequel je vivais a pu jusqu’à un certain point l’autoriser, et je n’ai rien fait pour l’empêcher.

— Mais Tanneguy… fit Octave.

— Mon père ?

— Lui, du moins, aurait pu s’en préoccuper. À sa place, j’aurais pris des mesures…

Marguerite remua doucement la tête à ces paroles, et regarda autour d’elle comme si elle eût craint qu’on ne l’entendît.

— Octave, dit-elle alors à voix basse et mystérieuse, depuis deux années je porte un soupçon dans mon cœur ; voulez-vous que je vous le confie ?

— Dites ! oh ! dites.

—— Eh bien ! Mon père a été douloureusement frappé par l’événement de Saint-Jean-du-Doigt, il s’est vu contraint de vendre la ferme, de renoncer à ses habitudes, à ses amis ; de quitter enfin un pays où nous laissions la tombe de ma mère. Cette né-