Page:Zend-Avesta, trad. Anquetil-Duperron, volume 1.djvu/112

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DISCOURS.


j’étois un Capitaine François. C’étoit m’expoſer à être envoyé à Kalkuta : mais j’aimois mieux encourir les riſques que de paſſer la nuit dans les champs, livré aux Tigres & aux Ours, qui ſont aſſez communs dans cette Contrée. Heureuſement le nom de M. de Buſſy y avoit pénétré. Pluſieurs Saïeds qui étoient avec le Cotoüal m’en parlerent avec éloge, faiſant entendre qu’on s’étoit flatté de le voir dans le Bengale, & qu’on n’en déſeſperoit pas encore : ils me dirent même que je pourrois le rencontrer près de Ganjam. Ces avances me mirent à l’aiſe. Je leur déclarai que mon projet étoit de joindre ſon armée, parce que j’avois des choſes importantes à lui communiquer de la part du Capitaine Law, que j’avois laiſſé dans le Bengale. Sur cela nouvelles careſſes de la part des Saïeds. Ils m’apprennent que les Anglois ne ſont pas les maîtres à Balaſſor, quoiqu’ils aient pris la Loge Françoiſe ; que Rajah Ram Alkara, qui commande dans cette Ville, aime notre Nation. Ces nouvelles remirent le calme dans mon ame. Je pris dès-lors le parti de me dire Envoyé de M. Law à M. de Buſſy. La difficulté étoit de ſoutenir ce perſonnage, n’ayant ni Paravana du Nabab de Bengale, ni Lettre particuliere de M. Law, étant d’ailleurs peu fourni d’argent & muni d’un Paſſeport qui ne me donnoit aucune qualité, & qui expiroit à Balaſſor. Ce qui venoit de m’arriver m’apprit à ne défefperer de rien. Je paſſai l’après-dinée avec les Saïeds, qui furent charmés de me voir un Manuſkrit Perfan. Nous nous amusâmes à tirer de l’arc, & je fis adroitement l’aumône à un Fakir, en lui achetant plus qu’elle ne valoit une peau de Tigre qu’il m’avoit offerte, & qui me fervit dans la ſuite de matelas. Cette libéralité produiſit ce que j’en attendois. On s’empreſſa de fournir à mes beſoins, & le Cotoüal me donna un de ſes Domeſtiquer, qui pour un ſalaire modique, me conduiſit a Balaſſor. Dans mon malheur, j’étois heureux d’avoir perdu les Pions & le Dobachi que j’avois pris à Moxoudabad. On me montra qu’ils me faiſoient payer les vivres le double de ce qu’ils valoient ; obſervation importante pour un Voyageur qui avoit encore plus de trois cens lieues à faire.