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PRÉLIMINAIRE.

d’une jolie Pagode, ſituée à une portée de fuſil du Fort de Kiour. Le Maure qui m’avoit temoigné de l’humanité obligea les Brahmes du lieu de me donner un verre d’eau que je trouvai délicieuſe.

Nous arrivâmes enfin au Fort de Kiour : mais on ne m’en permit pas l’entrée. Je deſcendis au bas de la montagne ſur laquelle il eſt conſtruit, & m’y repoſai à l’ombre d’un arbre toufus, tandis qu’on interrogeoit mes gens ſéparément. Craignant que dans un Pays où l’on ne connoiſſoit les Européens que par leur avidité, les Canarins ne priſſent ma curioſité en mauvaiſe part, s’ils étoient inſtruits de l’objet réel de mon Voyage, dans la route j’avois prévenu mes gens de ce qu’ils devoient répondre au Gouverneur.

On leur demanda d’abord qui j’étois & ou j’allois. Leur reponſe fut que j’étois François &c que j’allois à Mangalor. Mais, ajouta-t’on, pourquoi n’a-t’il pas continué ſa route, & pourquoi examine-t’il le Pays avec une Lunette ? Ces deux points prouvent que c’eſt un eſpion. Mes Paliagars ni mes Cipayes ne ſe couperent point. Ils répondirent que j’avois oublié quelque choſe a Neliceram, & que voyageant par terre, je remarquois les chemins pour ne pas me tromper au retour. Mes gens ſurent enſuite gardés dans des paillotes ſéparées. Le Gouverneur me fit propoſer deux partis ; le premier, d’aller à Mangalor. Je refuſai net. J’acceptai le ſecond, qui étoit d’attendre la réponſe a une Lettre que l’on alloit envoyer a Neliceram. Je craignois pourtant de n’avoir pas la liberté d’écrire de mon côté, & que la réponſe de Neliceram, démentant les dépoſitions de mes gens, ne me mit dans un nouvel embarras.

Mais les bons offices du Maure qui m’avoit témoigné de l’amitié me tirerent de ce mauvais pas ; il fut décidé que je retournerois à Dekle. Je partis ſur le champ à quatre heures après midi, avec une eſcorte nombreuſe, dont le Chef devoit remettre une Lettre au Gouverneur du Fort. Je n’avois mangé dans la journée que quelques figues, & mes gens étoient preſque à jeun.