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DISCOURS

1743, m’y communiqua les recherches qu’il avoit faites ſur les Antiquités & la Religion du Pays[1] ; & l’Écrivain

  1. Je trouvai dans les papiers du P. Claude quelques traits d’Hiſtoire & de Mythologie Indienne, que l’on verra peut-être ici avec plaiſir. Ce Miſſionnaire fait remonter au tems de Schoparia, Prince puiſſant, Auteur de la diſtinction des Caſtes, l’origine de celle des Parias. Ce Monarque ayant défendu de tuer des Vaches ni d’en manger (ceci ſemble prouver que l’abstinence des Indiens à l’égard de cet animal ne tient pas au fond de leur Religion), déclara ceux qui dans la ſuite furent nommés Parias, immondes & même abominables, pour avoir tranſgreſſé ſon ordre. Il eſt en conſéquence défendu de les toucher ; & c’eſt pour ſe prêter au génie Malabare, très-porté aux ſuperſtitions, & qui les quitte difficilement, que dans le Maduré, le Mayſſour, le Carnate, les Jéſuites out cru pouvoir baptiser les Parias dans des Fonts particuliers, & leur donner la Communion hors de l’Égliſe. Les Parias forment entr’eux pluſieurs Caſtes particulieres. Celle des Poulias eſt reléguée dans les varges (les champs). Ils ne peuvent entrer dans les bazars ; ils doivent ſe retirer quand ils voyent paſſer des Malabares d’une Caſte différente de la leur. Les Brahmes, en allant le matin à la Pagode, crient de tems en tems, pour avertir les Indiens des autres Caſtes de ne pas ſe trouver ſur leur chemin, ce qui pourroit altérer leur pureté. Les Nairs en font autant, d’auſſi loin qu’ils apperçoivent un Poulia ; & ſi ce pauvre malheureux, par inadvertance ou autrement, ſe trouvoit près du Nair ou le touchoit, celui-ci pourroit le tuer, ſans autre forme de procès.

    Voici ce que le même Père rapporte de la Théologie Indienne. Selon les Gentils, Karta (c’eſt-à-dire, agiſſant, en Maur) appellé encore Bara Valtou (le grand Être) ou Paraſaſchy, seul Dieu Souverain, le plus ſubtile des Élémens, infiniment parfait, éternel, indépendant, la ſublime puiſſance qui contient l’Univers & en eſt le ſoutien, l’ame pour y produire tout dans un ordre merveilleux, ſubſiſte par lui-même, répandu partout, & principe de tout.

    Ce Dieu ſuprême, pour ſe manifeſter, a répandu ſa ſubſtance dans tout l’Univers, & en a compoſé les merveilles des quatorze Mondes. Enſuite il a paru ſous une figure humaine, qu’il a nommée Schiva : mais comme Schiva alloit ſe retirer dans le Ciel des êtres les plus parfaits, nommé Sattialogom, Karta, pour demeurer avec les hommes, s’eſt transformé en trois autres figures humaines ; la premiere, appellee Roudra (Iſwareu), la ſeconde, Viſchnou, & la troiſieme, Brouma, (Brahma) ; & a rempli ces trois perſonnes d’intelligence. En elles il n’y a qu’une Divinité, qui eſt Karta. C’eſt pour (peut-être, par) elles qu’il opere tout.

    Brouma eſt le Créateur, & préſide à la tranſmigration des ames. Viſchnou eſt le conſervateur & entretient le bon ordre dans les Mondes. Roudra eſt le deſtructeur & met fin à tout. Schiva qui eſt la plénitude de Karta & Karta lui-meme dominent ſur tout.

    Selon d'autres Théologiens Brahmes, Karta ayant pris une figure humaine qui avoit mille têtes, deux mille bras & deux mille jambes, Viſchnou ſortit de ſon eſtomac & reçut de lui le pouvoir de conſerver ; Brouma ſortit du nombril de Viſchnou, & eut le pouvoir de créer ; Roudra ſortit du viſage de Brouma, & eut le pouvoir de détruire.

    Quelques uns veulent que Paraſaſchy (Karta) ait fait naître d’un œuf Brouma & Latchimi, d’un autre œuf Viſchnou & Parvati, & un troiſiéme œuf Roudra & Saraſouvadi, qu’il ait enſuite donné ces trois Déeſſes formées de ſa ſubſtance pour femmes à ces trois Dieux, avec les attributs diſtinctiſs dont j’ai déjà parlé, & fait Saraſouvadi, Déeſſe des Sciences, Latchimi, Déeſſe des richeſſes, & Parvati, des plaiſirs charnels.