Page:Zevaco - Le boute-charge, 1888.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
131
LE BOUTE-CHARGE

voir ses champs, sa terre. Mourir, — à l’hôpital ! Allons donc, cela ne sera pas : Il veut se lever, écrire qu’il va demander un congé, qu’il va venir. Le numéro 16 s’agite, fait des efforts désespérés. Il veut… oui il veut. Et il se tient tranquille, tout à coup.

Le lendemain, le colonel dicte à la décision « qu’un peloton du 4e escadron sera détaché pour rendre au dragon Morisset décédé cette nuit à l’hôpital militaire les honneurs prescrits par le règlement. »

Oh ! les grandes guerres héroïques où le paysan se crée demi-dieu ! Les luttes ardentes, au soleil, où les baïonnettes ont dans la fumée des lueurs sanglantes, où les sabres se tordent, où les crosses assomment lorsque la cartouchière est épuisée, où le soldat sent derrière lui la Patrie qui le regarde, le pousse et l’admire !

On ne meurt pas, on tombe.

Et en tombant, on a encore le temps de cracher son âme sans attendre qu’elle s’en aille, dans un dernier cri d’insulte à l’envahisseur.