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LE BOUTE-CHARGE

étonnée d’abord. Puis, peu à peu, l’étonnement disparut de ses yeux, comme s’envola aussi de mon esprit toute amertume.

Comment cela se fit-il ? Pourquoi me sembla-t-il tout à coup que je la connaissais depuis bien longtemps, que je la retrouvais après une absence ? Pourquoi sa poitrine, à elle, se souleva-t-elle en tumulte ? Et pourquoi me sentis-je si profondément ému ? Pourquoi, dans mon silence, lui parlai-je longuement, et pourquoi me répondit-elle de ces choses mystérieuses que la parole est inhabile à traduire ?

Qui le saurait ?

Nos yeux en se rencontrant se fondirent dans un mutuel et irrésistible élan de sympathie. Et je bus ce regard qui m’arrivait chargé d’une inconsciente caresse, comme ou boit un divin baiser d’amante.

Elle rougit, mais resta.

Jamais sous-officier ne trouva son corps de garde plus charmant et n’oublia mieux les multiples réalités de ses fonctions. J’abdiquai tous