Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
LE SANG

IV


Le soleil se levait, lorsque Clérian acheva le récit de son rêve. Un son de trompette qu’apportait le vent du matin, se faisait entendre vers le nord. C’était le signal qui rassemblait auteur du drapeau les soldats épars dans la plaine.

Les trois compagnons se levèrent et prirent leurs armes. Ils s’éloignaient, jetant un dernier regard sur le foyer éteint, lorsqu’ils virent Flem venir à eux en courant dans les hautes herbes. Ses pieds étaient blancs de poussière.

― Amis, dit-il, je ne sais d’où je viens, tant ma course a été rapide. Pendant de longues heures, j’ai vu la ronde échevelée des arbres fuir derrière moi. Le bruit de mes pas qui me berçait m’a fait clore les paupières, et, toujours courant, sans que mon élan se ralentît, j’ai dormi d’un sommeil étrange.

Je me suis trouvé sur une colline désolée. Un soleil ardent frappait les grands rocs, et mes pieds ne pouvaient se poser sans que la chair en fût brûlée. J’avais hâte d’atteindre la cime.

Et, comme je me précipitais dans mes bonds, je vis monter un homme qui marchait lentement. Il était couronné d’épines ; un lourd fardeau pesait sur ses épaules, et une sueur de sang inondait sa face. Il allait péniblement, chancelant à chaque pas.