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SŒUR-DES-PAUVRES

lumineuse s’allongeait sur les poutres, emplissant le grenier de clarté.

Lorsque Guillaume et Guillaumette furent couchés, Sœur-des-Pauvres monta. Par les nuits sombres, elle avait parfois grand’peur des subits gémissements, des bruits de pas qu’elle croyait entendre, et qui n’étaient autre chose que les craquements des charpentes et que les courses rapides des souris. Aussi aimait-elle d’un amour fervent le bel astre dont les rayons amis dissipaient ses frayeurs. Les soirs où il brillait, elle ouvrait la lucarne, elle le remerciait dans ses prières d’être revenu la voir.

Elle fut toute satisfaite de trouver de la lumière chez elle. Elle était fatiguée, elle allait dormir bien tranquille, se sentant gardée par sa bonne amie la lune. Souvent elle l’avait sentie, dans son sommeil, se promener ainsi par la chambre, silencieuse et douce, mettant en fuite les vilains songes des nuits d’hiver.

Elle alla vite s’agenouiller sur un vieux coffre, en plein dans la blonde clarté. Là, elle pria le bon Dieu. Puis, s’approchant du lit, elle dégrafa sa jupe.

La jupe glissa à terre, mais voilà qu’elle laissa échapper par la poche entr’ouverte une pluie de gros sous. Sœur-des-Pauvres les regarda rouler, immobile, effrayée.

Elle se baissa, les ramassa un à un, les prenant du bout des doigts. Elle les empilait sur le vieux coffre, sans chercher à connaître leur nombre, car elle ne savait compter que jusqu’à cinquante, et elle voyait