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SŒUR-DES-PAUVRES

porte, ils la regardèrent et éclatèrent en sanglots, sans savoir pourquoi. Il leur sembla qu’une main les serrait à la gorge, et leur cœur battit violemment, à ne pouvoir respirer. Ils restaient là, debout, près d’étouffer, ne sachant que faire, dans cette émotion qu’ils ne connaissaient pas. Et, tout d’un coup, ils comprirent qu’ils aimaient Sœur-des-Pauvres ; alors, riant dans les larmes, ils coururent l’embrasser, ce qui les soulagea.



VII


Un an plus tard, Guillaume et Guillaumette se trouvaient les plus riches fermiers du pays. Ils possédaient une grande ferme neuve, et leurs champs s’étendaient à tant de lieues à la ronde, qu’un même horizon ne pouvait les contenir. Qu’un pauvre devienne riche, cela n’est point rare, et personne, dans nos temps, ne songe à s’en étonner. Mais, lorsque Guillaume et Guillaumette de méchants devinrent bons, il y en eut qui se refusèrent à le croire. C’était la vérité cependant. Les parents de Sœur-des-Pauvres, ne souffrant plus le froid ni la faim, retrouvèrent leur bon cœur d’autrefois. Comme ils avaient beaucoup pleuré, ils se sentirent frères des misérables et les soulagèrent sans égoïsme.

Les larmes, je le sais, sont bonnes conseillères. Pourtant, si Guillaumette n’aima plus trop la dentelle, si Guillaume cessa de boire et préféra le travail, m’est