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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

ser leurs vignes et du soleil pour en dorer les grappes. Écoute, Sidoine, je suis bien aise de te le faire observer, nous sommes plus habiles qu’une douzaine d’académies. Nous pourrons, dans nos voyages, changer à notre gré la température et la fertilité des pays. Il ne s’agit que d’arranger un peu les terrains, d’établir au nord un paravent de montagnes, et de ménager une pente pour les eaux. La terre, je l’ai souvent remarqué, est mal bâtie, et je doute que les hommes aient jamais assez d’esprit pour en faire une demeure digne de nations civilisées. Nous verrons à y travailler un peu, dans nos moments perdus. Aujourd’hui, voilà notre dette de reconnaissance payée. Mon mignon, secoue ta blouse qui est toute blanche de poussière, et partons.

Sidoine, il faut le dire, n’entendit que le dernier mot de ce discours. Il n’était pas philanthrope, ayant l’esprit trop simple pour cela, et se souciait peu d’un vin dont il ne devait jamais boire. L’idée de voyage le ravissait ; à peine son frère eut-il parlé de départ que la joie lui fit faire deux ou trois enjambées, ce qui l’éloigna de plusieurs douzaines de kilomètres. Heureusement, Médéric avait saisi un pan de la blouse.

― Ohé ! mon mignon, cria-t-il, ne pourrais-tu avoir des mouvements moins brusques ? Arrête, pour l’amour de Dieu ! Crois-tu que mes petites jambes soient capables de semblables sauts ? Si tu comptes marcher d’un tel pas, je te laisse aller en avant et te rejoindrai peut-être dans quelques centaines d’années. Arrête et assieds-toi.