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ET DU PETIT MÉDÉRIC

cette boue et à ces pierres, visitées et admirées de plus de cinq cents lieues à la ronde.

— Hé ! Sidoine, dit-il, tâche de prendre, s’il t’est possible, un air d’admiration et de respectueux étonnement. Il est du dernier mauvais goût de rester calme en face d’un pareil spectacle. Je tremble que quelqu’un ne t’aperçoive, dodelinant ainsi de la tête devant les ruines de la vieille Égypte. Nous serions perdu dans l’estime des gens de bien. Remarque qu’il ne s’agit pas ici de comprendre, ce que personne n’a envie de faire, mais de paraître profondément pénétré du haut intérêt que présentent ces cailloux. Tu as tout juste assez d’esprit pour t’en tirer avec honneur. Là, tu vois le Nil, cette eau jaunâtre qui croupit dans la vase. C’est, m’a-t-on dit, un fleuve très vieux ; il est à croire cependant qu’il n’est pas plus âgé que la Seine et la Loire. Les peuples de l’antiquité se sont contentés d’en connaître les embouchures ; nous, gens curieux, aimant à nous mêler de ce qui ne nous regarde pas, nous en cherchons les sources depuis quelques centaines d’années, sans avoir pu découvrir encore le plus mince réservoir. Les savants se partagent : d’après les uns, il existerait certainement une fontaine quelque part, et il s’agirait seulement de bien chercher ; les autres, et ceux-ci ont des chances de l’emporter, jurent qu’ils ont fouillé tous les coins, et qu’à coup sûr le fleuve n’a point de sources. Moi, je n’ai pas d’opinion décidée en cette matière, car il m’arrive rarement d’y songer, et d’ailleurs une solution quelconque ne m’engraisserait pas