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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

demande un peu, mon mignon, s’il est raisonnable à deux ou trois millions d’hommes de se donner rendez-vous en Égypte, sur le coup de midi, pour se regarder face à face et se crier des injures. Vous battrez-vous, coquins ? Mais vois-les donc : ils bâillent au soleil, comme des lézards, et semblent ne pas se douter que nous attendons. Ohé ! doubles lâches, vous battrez-vous ou ne vous battrez-vous pas ?

Les Bleus, comme s’ils avaient entendu les exhortations de Médéric, firent deux pas en avant. Les Verts, voyant cette manœuvre, en firent par prudence deux en arrière. Sidoine fut scandalisé.

— Frère, dit-il, j’éprouve une furieuse envie de m’en mêler. La danse ne commencera jamais, si je ne la mets en branle. N’es-tu pas d’avis qu’il serait bon d’essayer mes poings, en cette occasion ?

— Pardieu ! répondit Médéric, tu auras eu une idée décente dans ta vie. Retrousse tes manches et fais-moi de la propre besogne.

Sidoine retroussa ses manches et se leva.

— Par lesquels dois-je commencer ? demanda-t-il ; les Bleus ou les Verts ?

Médéric songea une seconde.

— Mon mignon, dit-il, les Verts sont à coup sûr les plus poltrons. Daube-les-moi d’importance, pour leur apprendre que la peur ne garantit pas des coups. Mais attends : je ne veux rien perdre du spectacle, et je vais, avant tout, me poster commodément.

Ce disant, il monta sur l’oreille de son frère et s’y