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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

pêcher ; autrement, ils allaient le planter là, pour se pourvoir ailleurs d’une majesté plus bavarde.

Sidoine, étonné qu’une révérence n’eût pas contenté ces braves gens, en fit coup sur coup trois ou quatre, se tournant en tous sens, afin que chacun eût sa part.

Alors ce fut une tempête de rires et de jurons, une de ces belles tempêtes populaires où chaque homme lance un quolibet, ceux-ci sifflant comme des merles, ceux-là battant des mains en manière de dérision. Le vacarme grandissait par larges ondées, décroissait pour grandir encore, pareil à la clameur des vagues de l’Océan. C’était, à la verve du peuple, un excellent apprentissage de la royauté.

Tout à coup, pendant un court moment de silence, une voix douce et flûtée se fit entendre dans les hauteurs de Sidoine ; une douce et mignonne voix de petite fille, au timbre d’argent et aux inflexions caressantes.

« Mes bien-aimés sujets, » disait-elle…

Des applaudissements formidables l’interrompirent, dès ces premiers mots. Le gracieux souverain ! des poings à pétrir des montagnes, et une voix à rendre jalouse la brise de mai !

Le prince des orateurs, stupéfait de ce phénomène, se tourna vers ses savants collègues :

— Messieurs, leur dit-il, voici un géant qui a, dans son espèce, un organe singulier. Je ne pourrais croire, si je ne l’entendais, qu’un gosier capable d’avaler un bœuf avec ses cornes, puisse filer des sons d’une si re-