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ET DU PETIT MÉDÉRIC

quente. Nous lirons l’histoire un de ces jours ; tu le verras, c’est une vieille habitude des nations de malmener les princes dont elles ne veulent plus. Malgré le dire de certaines gens, Dieu n’a jamais eu la singulière fantaisie de créer une race particulière, dans le but d’imposer à ses enfants des maîtres élus par lui de père en fils. Ne t’étonne donc pas si les gouvernés veulent devenir gouvernants à leur tour, puisque tout homme a le droit d’avoir cette ambition. Cela soulage de pouvoir raisonner logiquement son malheur. Allons, sèche tes larmes. Elles seraient bonnes chez un efféminé, un glorieux nourri de louanges, qui aurait oublié son métier d’homme en exerçant trop longtemps celui de roi ; mais nous, monarques d’hier, nous savons encore marcher sans autre escorte que notre ombre, et vivre au soleil, n’ayant pour royaume que le peu de poussière où se posent nos pieds.

— Eh ! répondit Sidoine d’un ton dolent, tu en parles à ton aise. La profession me plaisait. Je me battais à poing que veux-tu, je mettais tous les jours mes habits du dimanche, je dormais sur de la paille fraîche. Raisonne et explique tant que tu voudras. Moi, je veux pleurer.

Et il pleura ; puis, s’arrêtant brusquement au milieu d’un sanglot :

— Voici, dit-il, comment les choses se sont passées :

— Mon mignon, interrompit Médéric, tu deviens bavard : le désespoir ne te vaut rien.