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ET DU PETIT MÉDÉRIC

put maîtriser son émotion ; ses larmes coulèrent de nouveau. Médéric ne souffla mot, car son mignon attendait sûrement ses consolations pour se désoler davantage.

— Le peuple, reprit-il après un silence, me poussait lentement hors du territoire. Je reculais pas à pas, sans songer à me défendre, n’osant plus desserrer les lèvres et cherchant à cacher mes poings qui excitaient de telles huées. Je suis fort timide de ma nature, tu le sais, et rien ne me fâche comme de voir une foule s’occuper de moi. Aussi, quand je me trouvai en pleins champs, mon parti fut-il bientôt pris : je tournai le dos à mes révolutionnaires et me mis à courir de toute la longueur de mes jambes. Je les entendis se fâcher de ma fuite, plus fort qu’ils ne l’avaient fait, deux minutes auparavant, de ma lenteur à reculer. Ils m’appelèrent lâche, me montrèrent le poing, oubliant qu’ils risquaient de me faire souvenir des miens, et finirent par me jeter des pierres, lorsque je fus trop loin pour en être atteint. Hélas ! mon frère Médéric, voilà de bien tristes aventures.

— Ça ! courage ! répondit sagement Médéric. Tenons conseil. Que penses-tu d’une légère correction administrée à notre peuple, non pour le faire rentrer dans le devoir, — car, après tout, il n’avait pas le devoir de nous garder, lorsque nous ne lui plaisions plus, — mais pour lui montrer qu’on ne jette pas impunément à la porte des gens comme nous. Je vote une courte averse de soufflets.