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ET DU PETIT MÉDÉRIC

VIII

l’aimable primevère, reine du royaume des heureux


Il est grand temps, Ninon, de te conter les merveilles du Royaume des Heureux. Voici les détails que Médéric tenait de son ami le bouvreuil.

Le Royaume des Heureux est situé dans ce monde que les géographes n’ont encore pu découvrir, mais qu’ont bien connu les braves cœurs de tous les temps, pour l’avoir maintes fois visité en songe. Je ne saurais rien te dire sur la mesure de sa surface, la hauteur de ses montagnes, la longueur de ses fleuves ; les frontières n’en sont point parfaitement arrêtées, et, jusqu’à ce jour, la science du géomètre consiste, dans ce fortuné pays, à mesurer la terre par petits coins, selon les besoins de chaque famille. Le printemps n’y règne pas éternellement, comme tu pourrais le croire ; la fleur a ses épines ; la plaine est semée de grands rocs ; les crépuscules sont suivis de nuits sombres, suivies à leur tour de blanches aurores. La fécondité, le climat salubre, la beauté suprême de ce royaume proviennent de l’admirable harmonie, du savant équilibre des éléments. Le soleil mûrit les fruits que la pluie a fait croître ; la nuit repose le sillon du travail fécondant du jour. Jamais le ciel ne brûle les moissons, jamais