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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

cieux de la route ; et, comme ces jambes mesuraient sans peine dans un de leurs pas vingt degrés d’un méridien terrestre, il s’ensuivit qu’au bout de la première matinée les voyageurs avaient déjà fait le tour du monde un nombre incalculable de fois. Vers midi, Médéric, las de se taire, ne put laisser de nouveau passer les mers et les continents sans donner une leçon de géographie à son compagnon.

— Hé ! mon mignon, dit-il, il y a, en ce moment, des millions de pauvres enfants, enfermés dans des salles froides et obscures, qui se tuent les yeux et l’esprit à épeler le monde sur de sales bouts de papier, peints de bleu et de rouge, couverts de lignes, de noms bizarres, tout comme un grimoire cabalistique. L’homme est à plaindre de ne voir les grands spectacles que rapetissés à sa mesure. Jadis, j’ai par hasard regardé un de ces livres renfermant les contrées connues en vingt ou trente feuilles ; c’est une collection peu récréative, bonne tout au plus à meubler la mémoire des enfants. Que ne peut-on leur ouvrir le livre sublime qui s’étend devant nous, le leur faire lire d’un regard, dans son immensité ! Mais les marmots, fils de nos mères, n’ont pas la taille pour embrasser la page entière. Les anges seuls peuvent faire de la vraie science, si quelque vieux saint d’esprit morose donne là-haut des leçons de géographie. Or, puisqu’il plaît à Dieu de mettre sous nos yeux cette belle carte naturelle, je désire profiter de cette rare faveur pour attirer ton attention sur les diverses façons d’être de la terre.