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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

— Eh ! mon pauvre mignon, j’ai pu te faire en quatre mots un cours de géographie à l’usage des anges ; s’il me fallait t’enseigner maintenant les sornettes débitées aux écoliers dont je te parlais tantôt, je n’aurais pas fini ton éducation dans dix ans d’ici. L’homme s’est plu à tout brouiller sur la terre ; il a donné vingt noms différents à la même pointe de rocher ; il a inventé des continents et en a nié plus encore ; il a tant fondé de royaumes et en a tant anéanti que chaque caillou, dans les champs, a sûrement servi de frontière à quelque nation morte. Cette rigueur des lignes, cette éternité des mêmes divisions, existent pour Dieu seul. En introduisant l’humanité sur ce vaste théâtre, il se produit un effrayant pêle-mêle. Il est si aisé, chaque cent ans, de prendre une feuille de papier et de dessiner une nouvelle terre, celle du moment ! Si la terre du Créateur avait subi tous les changements de la terre de l’homme, nous aurions devant nous, au lieu de cette carte naturelle si nette au regard, le plus étrange mélange de couleurs et de lignes. Je ne puis m’amuser aux caprices de nos frères. Je te répète de regarder attentivement l’œuvre de Dieu. Tu en sauras plus dans un regard que tous les géographes du monde ; car tu auras vu de tes yeux les grandes lignes de la croûte terrestre, et ces messieurs les cherchent encore avec leurs niveaux et leurs compas. Voilà, si je ne me trompe, une leçon de géographie physique et politique un peu bien vulgarisée.

Comme le maître cessa de parler, l’élève, qui voya-