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AVENTURES DU GRAND SIDOINE

L’homme se recoucha, et le cortège se remit lentement en marche. Sidoine, en le suivant des yeux, haussa les épaules, hocha la tête, fit claquer les doigts, donnant ainsi des signes fort clairs de dédain et d’étonnement. Puis il enjamba la ville, tenant toujours à la main la pêche dont il avait tant de peine à faire l’aumône. Médéric songeait.

Au bout d’une dizaine de pas, Sidoine sentit une légère résistance à la jambe gauche. Il crut que sa culotte venait de rencontrer quelque ronce. Mais s’étant baissé, il demeura fort surpris : c’était un homme, d’air avide et cruel, qui gênait ainsi sa marche. Cet homme demandait tout simplement la bourse aux voyageurs.

Sidoine ne voyait plus que mendiants et affamés sur les routes ; sa charité de fraîche date avait hâte de s’exercer. Il n’entendit pas bien la demande de l’homme, il le prit par la peau du cou, l’élevant à hauteur de son visage, pour converser plus librement.

— Hé ! pauvre hère, lui dit-il, n’as-tu pas faim ? Je te donne volontiers cette pêche, si elle peut te soulager dans tes souffrances.

— Je n’ai pas faim, répondit le brigand mal à l’aise. Je sors d’une excellente taverne où j’ai bu et mangé pour trois jours.

— Alors que me veux-tu ?

— Je ferais un joli métier, si je ne détroussais les passants que pour leur prendre des pêches. Je veux ta bourse.