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ET DU PETIT MÉDÉRIC

Une véritable ovation de hurlements et de bruits de mâchoires accueillit ces dernières paroles de l’orateur. La haine du lait était populaire parmi ces honnêtes animaux vivant depuis trois mois de cette boisson sucrée. L’écuelle quotidienne leur donnait des nausées. Ah ! qu’un peu de fiel leur eût semblé doux !

Lorsque le silence se fut rétabli :

— Mes amis, reprit le lion, le sujet de notre délibération se trouve donc fixé. Nous tenons conseil pour proscrire le lait et le remplacer par un aliment nous engraissant et nous aidant tout à la fois aux bonnes pensées. Ainsi, nous allons proposer chacun notre mets et nous décider en faveur de celui qui réunira le plus de suffrages. Ce mets constituera dès lors notre commun ordinaire. Je crois inutile de vous faire observer quel esprit doit vous guider dans votre choix : cet esprit est l’entière abnégation de vos goûts personnels, la recherche d’une nourriture convenant également à chacun, et offrant surtout des garanties de morale et de santé.

À ce point de l’allocution, l’enthousiasme fut au comble. Rien n’est plus doux que de faire cas de la morale, quand le ventre est préalablement rempli. Une même pensée, une touchante unanimité de sentiments animait l’assemblée.

Le lion, pour sa part, discourait d’un ton humble et affable. Le regard baissé, il eût converti ses frères du désert, tant il offrait un spectacle édifiant. Du geste