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ET DU PETIT MÉDÉRIC

doute le châtiment de notre ambition ridicule. Je t’en prie, mon frère Médéric, calme le trouble de mon esprit.

— Ne t’inquiète ni ne t’afflige, mon mignon, nous sommes au port. Il était écrit que nous serions rois, mais c’est là une fatalité dont nous saurons nous consoler. Nos voyages ont eu cet excellent résultat de changer nos idées premières de domination et de conquêtes. En ce sens, notre règne chez les Bleus a été un apprentissage rude et salutaire. Le destin a sa logique. Il nous faut remercier la fortune de ce que, ne pouvant nous épargner la royauté, elle nous a donné un beau royaume, vaste et fertile à souhait, où nous vivrons en honnêtes gens. Nous gagnerons tout au moins la liberté, à ce métier de roi honoraire, n’ayant pas les soucis de la charge ; nous vieillirons dans notre dignité, jouissant de notre couronne en avares, je veux dire en ne la montrant à personne ; ainsi, notre existence aura un noble but, celui de laisser nos sujets tranquilles, et notre récompense sera la tranquillité qu’ils nous donneront eux-mêmes. Va, mon mignon, ne te désespère. Nous allons reprendre notre vie d’insouciance, oubliant tous les vilains spectacles, toutes les vilaines pensées du monde que nous venons de traverser ; nous allons être parfaitement ignorants et n’avoir cure que de nous aimer. Dans nos domaines royaux, au soleil en hiver, en été sous les chênes, moi j’aurai la mission de caresser Primevère, et Primevère aura celle de me rendre deux caresses pour une ; toi,