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LE CARNET DE DANSE

le rusé sait bien qu’elle reviendra. Jeune femme, elle parcourt les feuillets et les consulte avec anxiété pour connaître de combien s’est augmenté le nombre de ses admirateurs. Elle s’arrête avec un triste sourire à certains noms qu’elle ne retrouve plus sur les dernières pages, et qui sans doute sont allés enrichir d’autres carnets. La plupart de ses sujets lui restent fidèles ; elle passe avec indifférence. Le petit livre rit de tout cela. Il connaît sa puissance ; il doit recevoir les caresses d’une vie entière.

La vieillesse vient, le carnet n’est pas oublié. Les dorures en sont fanées, les feuillets tiennent à peine. Sa maîtresse, qui a vieilli avec lui, paraît l’en aimer davantage. Elle en tourne encore souvent les pages et s’enivre de son lointain parfum de jeunesse.

N’est-ce pas un rôle charmant, Ninon, que celui du carnet de danse ? N’est-il pas, comme toute poésie, incompris de la foule et lu couramment des seuls initiés ? Confident des secrets de la femme, il l’accompagne dans la vie, ainsi qu’un ange d’amour versant à pleine main les espérances et les souvenirs.



II


Georgette sortait à peine du couvent. Elle avait encore cet âge heureux où le songe et la réalité se confondent ; douce et passagère époque, l’esprit voit ce