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CELLE QUI M’AIME

Tous trois jurèrent qu’ils reconnaissaient leurs tantes.

Ainsi les curieux se succédaient devant la vitre, et je ne saurais me rappeler aujourd’hui les différentes expressions de physionomie qui me frappèrent alors. Ô vision de la bien-aimée ! quelles rudes vérités tu faisais dire à ces yeux grands ouverts ! Ils étaient les vrais Miroirs d’amour, Miroirs où la grâce et la tendresse de la femme se reflétaient en passions et en sottises laides et misérables.



V


Les filles, à l’autre carreau, s’égayaient d’une plus honnête façon. Je ne lisais que beaucoup de curiosité sur leurs visages ; pas le moindre vilain désir, pas la plus petite méchante pensée. Elles venaient tour à tour jeter un regard étonné par l’étroite ouverture, et se retiraient, les unes un peu songeuses, les autres riant comme des folles.

À vrai dire, je ne sais trop ce qu’elles faisaient là. Je serais femme, si peu que je fusse jolie, que je n’aurais jamais la sotte idée de me déranger pour aller voir un homme qui m’aime. Les jours où mon cœur pleurerait d’être seul, ces jours-là sont jours de printemps et de beau soleil, je m’en irais dans un sentier en fleurs me faire adorer de chaque passant. Le soir, je reviendrais riche d’amour.