IX
Nous marchions toujours, descendant l’avenue.
J’aperçus sur un banc deux soldats, dont l’un discourait gravement, tandis que l’autre écoutait avec respect. C’étaient le Sergent et le Conscrit. Le Sergent, qui me parut très-ému, m’adressa un salut moqueur, me disant : « Les riches prêtent parfois, Monsieur. » Le Conscrit, âme tendre et naïve, me dit d’un ton dolent : « Ah ! je n’avais qu’elle, Monsieur : vous me volez Celle qui m’aime. »
Je traversai la route et pris l’autre allée.
Trois gamins venaient à nous, se tenant par les bras et chantant à tue-tête. Je reconnus les Écoliers. Les petits malheureux n’avaient plus besoin de feindre l’ivresse. Ils s’arrêtèrent, pouffant de rire, puis me suivirent quelques pas, me criant chacun d’une voix mal assurée : « Eh ! Monsieur, madame vous trompe, madame est Celle qui m’aime ! »
Je sentais une sueur froide mouiller mes tempes. Je précipitais mes pas, ayant hâte de fuir et ne pensant plus à cette femme que j’emportais dans mes bras. Au bout de l’avenue, comme j’allais enfin quitter ce lieu maudit, je heurtai, en descendant du trottoir, un homme commodément assis dans le ruisseau. Il appuyait la tête sur la dalle, et, la face tournée vers le ciel, se