Page:Zola - Fécondité.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
LES QUATRE ÉVANGILES

— Oui, il m’a semblé entendre remuer. Puis, comme plus rien ne bougeait, qu’il ne venait de la chambre voisine qu’une grande paix d’innocence, elle se remit à rire doucement, un peu moqueuse.

— Nos quatre pauvres petits malheureux !… Alors, ça ne fait rien, tu veux bien le cinquième, un autre pauvre petit malheureux encore ?

Il lui ferma la bouche sous un ardent baiser.

— Tais-toi, je suis une bête… Ah ! ils peuvent nous prendre en dérision et en mépris. C’est toi qui as raison, c’est nous qui sommes les vaillants et les sages.

Et ils eurent la superbe, la divine imprévoyance. Dans leur possession, tous les bas calculs sombrèrent, il ne resta que l’amour vainqueur, ayant confiance en la vie qu’il crée sans compter. Si, aux bras l’un de l’autre, ils avaient restreint l’acte, ils ne se seraient plus aimés de tout leur être, se réservant, se reprenant mutuellement quelque chose d’eux. Le lien vivant se serait dénoué, il aurait cru la traiter en étrangère, comme elle aurait cru ne plus être sa femme. Eux se donnaient l’un à l’autre tout entiers, sans aucune restriction de cœur ni de chair, et c’était à la vie de faire son œuvre, si elle le jugeait bon. Ah ! les délices de cela, l’ivresse délicieuse de cet amour absolu dans son infini, qui est aussi de la santé et de la beauté ! Ce fut leur acte de foi en la vie, un cantique à la fécondité, créatrice généreuse, inépuisable des mondes. Le désir n’était plus que l’éternel espoir. Voilà la semence jetée au sillon, dans un cri de délirant bonheur : qu’elle germe donc et qu’elle fasse de la vie encore, de l’humanité, de l’intelligence et de la puissance ! Toute l’amoureuse nuit de mai en a frémi d’allégresse, les étoiles et la terre se sont pâmées avec l’épouse. Au-dessus du plaisir qui passe en tempête, une éternelle joie humaine demeure, le fait souverain de la conception,