Page:Zola - Fécondité.djvu/141

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n’y avait pas d’accoucheur plus doux ni plus adroit. Étonnée, Marianne lui fit remarquer qu’elle devait le bien connaître, puisque deux fois déjà elle avait passé par ses mains. Oui, sans doute, seulement cela la tranquillisait d’entendre affirmer ses mérites par une autre. Puis, interminablement, elle multiplia les questions, revint sur chaque détail, exigea que cette autre lui expliquât ce qu’elle ressentait, où étaient les douleurs, de quelle nature, comment elle mangeait, comment elle dormait, enfin ses sensations, ses pensées, toute sa grossesse heureuse. Et, comme Marianne, souriante, vaillante, se prêtait à cette curiosité par bonté d’âme, pour la distraire et l’encourager, disait tranquillement ses espoirs, que ça se passerait très bien, que ce serait un fils encore, Valentine tout d’un coup éclata en gros sanglots.

— Oh ! moi, je mourrai, je mourrai, j’en suis sûre !

Cette certitude de sa mort prochaine la hantait, sans qu’elle osât la crier à tous. C’était, dans le détraquement de ses nerfs pervertis, dans l’abandon où son mari la laissait, une torture de chaque heure, l’abîme noir auquel la jetait ce misérable enfant qui, après avoir détruit son ménage, allait trancher sa vie.

— Comment, mourir ! s’écria gaiement Marianne, est-ce qu’on meurt ? … Vous savez ce qu’on dit ? C’est que les femmes qui se forgent de ces imaginations lugubres, ont d’ordinaire les plus belles couches du monde.

Mathieu, que cet aimable mensonge fit sourire, le confirma pleinement, ce qui soulagea un peu la désespérée, frissonnante au moindre souffle qui passait, affamée de bonnes paroles, quêtant toujours la promesse formelle, même mensongère, d’une issue heureuse. Elle restait pourtant dolente, lorsque, de nouveau, Céleste se présenta ; et sans attendre, elle répondit à la muette interrogation des yeux de sa maîtresse :

— Non, Madame, ce n’est pas encore Monsieur… C’est