Page:Zola - Fécondité.djvu/142

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cette femme de mon pays, dont je vous ai parlé, Sophie Couteau, la Couteau, ainsi qu’on la nomme là-bas, à Rougemont, et qui fait le métier d’amener à Paris des nourrices.

À ces mots, Valentine, qui allait congédier la femme de chambre rudement, outrée d’être dérangée de la sorte, se calma.

— Eh bien ?

— Eh bien ! Madame, elle est là… Comme je vous l’ai dit, si vous consentiez à l’en charger dès maintenant, elle pourrait vous en choisir une très bonne, au pays, et vous l’amener, le jour convenu.

La Couteau qui était derrière la porte, restée entr’ouverte, osa faire son entrée, sans qu’on l’y invitât. C’était une petite femme sèche et vive, d’allure paysanne, mais très débrouillée par ses continuels voyages à Paris. Sa figure longue, ses petits yeux vifs, son nez pointu, ne manquaient pas d’agrément, d’une sorte de bonhomie aimable, que gâtait une bouche de ruse et de cupidité, aux lèvres minces. Et une robe de lainage sombre, une pèlerine noire, des mitaines noires, un bonnet noir avec des rubans jaunes, lui donnaient un air endimanché et respectable de campagnarde qui se rend à la messe.

— Vous avez été nourrice ? lui demanda Valentine, en l’examinant.

— Oui, madame, oh ! il y a dix ans, quand j’en avais vingt. Puis, je me suis mariée, et j’ai eu l’idée qu’on ne s’enrichissait guère à être nourrice. Alors, j’ai préféré amener les autres.

Elle eut un faible sourire de femme intelligente, qui disait combien ce métier de vache laitière, au service des bourgeois, lui semblait une duperie. Mais elle craignit d’en avoir trop dit.

— On rend aux gens qui paient les services qu’on peut,